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Publié par Christian Hivert

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Par-delà la condescendance encaissée journellement sans broncher, par instinct il s’écartait de ceux disposant de tout sans vergogne et il se rapprochait des désemparés ses frères, ils s’encourageaient les uns les autres à figurer encore, frileux, sur la liste des vivants de la planète.

Et dire la brutalité suave avec laquelle on les écorchait, jour après jour, au mépris de toute vraisemblance, voulait-on leurs handicaps, leurs capacités oiseuses et reniées par le monde se développant, leurs douleurs et leur survie maladroite, leurs accrocs de fortune et leur pauvreté ?

Il lui fallait en faire des efforts pour franchir la rivière, attendre l’apparition d’un signe décidait à sa place du moment propice, il n’en était pas vraiment dupe, mais c’était un bon arrangement avec sa panique saisissante de se faire mordre sans indulgence à chaque croisement de sa vie.

Car il avait beau la refouler, l’incommensurable panique était là, tapie, et le figeait, l’empêchait de commettre le moindre geste, l’interrompait, le trouvait blotti de terreur comme une comète dans le sidéral infini, dans une transe affolée, un infécond fléau, inerte et anéanti.

À l’abri du regard discourtois des normalisateurs de la vie d’autrui, avec le temps infini seyant aux plus courageuses des créations, détaché de la moindre envie de survivre au massacre général, dans la certitude d’un accomplissement, son heure viendrait, les signes l’activeraient.

Ne jamais réfléchir ni calculer, laisser commander son coeur, refuser le soupesage, le flairage, résister aux tentatives d’organisation de la pensée, à sa domestication à d’illusoires systèmes de justification, fait d’apriorismes aléatoires, vide de tout confort, de toute certitude, en attente.

Le poison était dans la réflexion calculatrice, la sournoiserie avivante des prétentions ordinaires, l’organisation des hiérarchies dégradantes et la valorisation des médiocrités, il fallait détruire bien des peuples pour parvenir à cela, un véritable progrès matériel de l’humanité.

Laisser les idées couler, oui, comme la rivière, à flots et fonctionner sans ligne directrice, à l’instinct, sans projet ou avenir programmé ni aucune obligation, volontairement disponible, dans la richesse retrouvée de soi-même, apte à sauver quelqu’un, valeureux, princier et humble.

Il n’y a pas de façon ordinaire de se mettre à la disposition des dévastés de découragement, le désespoir se nourrit des vilenies courantes et anodines, il suffit d’en accepter l’orgueil de la charge, sans honte d’y croire, sans se résigner, il lui fallait tout d’abord recevoir les signes.

Il lui arrivait de rester de ce côté-ci de la rivière des jours durant, les signes n’étaient pas suffisamment clairs pour le faire se secouer de son apathie, les intempéries mouillées le rejetaient rarement vers un bar de la vallée où il pouvait sauver, se rassurer, grâce à l’énergie puisée.

La course aléatoire des civilisations allait se déstructurer dans l’inconnu, le non maîtrisé, le mal vécu, l’histoire n’avait plus de sens, ou bien tous les sens simultanément, l’eau de Mars accueillerait-elle nos bactéries, ici nous ne savions pas entendre, ni comprendre, ni ressentir.

L’énergie n’était parfois pas au rendez-vous, quelque chose l’empêchait de voir, dans ce cas, il n’y avait rien à faire, il valait mieux rester dans le secteur, ne pas mettre le nez de l’autre côté, ne rien risquer, ne rien brusquer, souffrir la patience, les signes ne venaient pas toujours.

Les signes étaient dans les airs et ils se posaient lentement devant les êtres ouverts à leur évocation et attentifs, et l’on ne pouvait certainement pas dire que Arthur n’y était pas favorable, la plupart ignoraient, quel souci de l’organisation de leur vie les empêchaient de les percevoir ?

Dans la simplicité des premiers âges, au plus profond des épopées de l’humanité, dans toutes les directions que l’univers a créé, beaucoup se sont trouvés trop occupés par la gestion mécanique de l’acquisition de biens pillés, l’inexorable marche des vandales, que de signes perdus.

Parfois rien ne se posait devant lui, ou bien lui-même ne voyait rien, la phobie des agressions perverses qu’il était susceptible de subir de l’autre côté pouvait fort bien le rendre aveugle, il n’était pas vraiment guéri, il se sentait plus solide, mais une rechute était toujours possible.

Si un signe ne venait pas le secouer et diriger ses forces vers la vallée habitée, seul, il digérait son immobilité, il ne voulait plus souffrir, la pluie alors tombait à point souvent, mouillait, déformait, corrodait, transformait toutes choses, vivifiait tous les fibres, sourçait tout être.

Seule l’eau de pluie, l’eau ruisselante, parce qu’elle nettoyait, effaçait, nourrissait, le renvoyait de l’autre côté, sans aucun signe, les jours de pluie étaient particuliers, plus de gens étaient visibles et se retrouvaient dans les lieux communs de leur culture, les bistrots.

Il pouvait laisser se noyer ses effrois dans d’improbables rencontres pour d’éphémères sympathies, de toute façon, il n’était guère outillé pour rester la journée entière de pluie dans sa Yourte, dans son ennui, dans sa misère, les instants sont parfois si longs à passer.

La contemplation a ceci de bien qu’elle fait s’oublier et désagrège les souffrances, il n’est jamais inutile de s’emplir de la beauté de ce que l’on voit, cela demande un peu de temps, un repli nécessaire, une pause, une halte, un oasis, Comme l’aube au dessus de l’océan qui roule.

Le temps de se faire à manger, de se reposer, de sentir, toucher, goûter, percevoir, frémir, au matin une surprise, une transformation subite opérée de nuit fait éclore les clins d’oeils, un oiseau est là, on a le temps de s’émerveiller, le temps de voir, de s’imprégner, le temps sans horloge.

Le temps redevient une respiration, le temps qu’une pomme en tombant devienne pomme à nouveau, ou sous un ciel étoilé, par temps doux, pouvoir constater la puissance constructrice du temps allié au travail de l’Homme, admirer à la lune les millénaires murettes de pierre ardéchoises.

Lorsqu’il pleuvait et tout le temps de la pluie, il n’y avait plus aucun signe, aucune trace à suivre, au contraire, il ne fallait pas, ce serait se perdre à coup sûr, la pluie lessivait, alimentait, la pluie était en l’air, mais tombait lourdement, et ne venait pas se poser devant lui comme un signe.

Aux moments de pluies étaient réservées les rencontres, les espèces s’abritaient pour la plupart, en se rassemblant, c’était propice à la vérification des apprentissages mutuels, à l’échange des informations, des signes de reconnaissance, l’eau annulait les signes.

Des espèces au contraire sortaient, s’exposaient, poussaient telles les salamandres solitaires, tels les champignons clairsemés, il pouvait être l’un comme l’autre, abrité, rassemblé, sauvant, ou exposé, fragile, prêt à être cueilli, prêt à être utilisé, à être sauvé parce que utilisé, donc utile.

Mais il ne pleuvait pas ce jour-là, il ne pleuvrait pas sans nul doute, il n’y avait aucun vent, aucune espèce volante n’avait croisé son attention ni ne s’était posée significativement devant lui, jamais il n’aurait su dire ce qu’un signe se devait d’être, ni comment le reconnaître, c’était.

Ce n’est que lorsqu’il apparaissait qu’il le reconnaissait à coup sûr, pourtant il en avait vu passer et de toutes sortes, depuis qu’il avait trouvé ce refuge, son abri, sa source de restructuration personnelle, sa cabane dans les arbres, au coeur des sources de verdure, dans la plénitude boisée.

Il se sentait en sécurité, en état de fluidité, plus rien de néfaste ne pouvait lui arriver, rien de main humaine, en tout cas, il se sentait protégé comme jamais, intouchable, il se tenait accroupi sur ses talons et attendait, dans un avenir des plus placide, les signes ne tarderaient à venir.

Dans le souvenir entretenu de ses rêves, avec pour compagnons les animaux de la montagne, devant la beauté cruelle des fleurs précoces, la majesté des arbres dénudés dont les bourgeons verdissaient de jour en jour l’affermissait, les plantes le soutenaient, il respirait vers l’avenir.

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