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Publié par Christian Hivert

Il mit les mains dans ses poches et resta là un peu désemparé, avancer, reculer, ne sachant plus, la mésange alors s’envola d’un souffle anodin, comme si elle s’était étirée les plumes, plana quelques mètres, pour se poser en un coup d’aile sur le chêne vert, de l’autre côté, il la suivit.

Il franchit la rivière et sut que ce pas avancé presque sans y penser allait modifier sa vie, pendant une seconde particulière et magique, un passé s’effaçait derrière lui et un avenir pouvait se construire enfin libéré, du bruit et de la fureur humaine, c’est ce qu’il commençait à croire.

Il s’assit sur le rocher plat, les pieds pendant à la cascade, les yeux au vague, son cahier ouvert sur les genoux, alors sans crier gare il se déversa, sans retenue, sans quasiment jamais changer de position, dans une facilité inventive, feuille après feuille, il écrivit, il avait trouvé sa potion.

L’atmosphère prit peu à peu une autre odeur et les couleurs fondirent vers le gris, le soir mouilla la sécheresse du jour, oui c’était cela, l’humidité du jour finissant n’avait pas la même empreinte parfumée du petit matin sec, le frais survint, dans un frisson voluptueux, il s’étira.

La chaleur avait fini d’envelopper toutes choses de ses bouffées ensoleillées comme durant le jour, comme durant cet été où il avait décidé de faire une grande balade en forêt avec son chien, laissant la ferme, le Mas, comme ils disaient tous, à la merci de la vague de chaleur.

Lorsqu’il était revenu, il n’avait pu que constater le massacre, ignorant la canicule mais ayant parfaitement perçu l’absence inhabituelle du chien, gardien des lieux, le renard avait saigné le poulailler, des plumes et du duvet voletaient encore partout dans l’air frais et venteux du soir.

Un jars furieux et une canette apeurée, judicieusement cachée au sommet d’un poteau de soutien du poulailler, survivaient, une heure avait suffi, la basse-cour commençait à sentir le sang corrompu, après avoir enterré les martyrs, il lui fallut penser au devenir du jars, une sale histoire.

Hors le jars était inaccessible, indomptable sûrement, sur ses gardes évidemment, inabordable, insabordable, imprenable, plusieurs mètres le séparaient toujours de la moindre atteinte prédatrice, et les oies n’étaient plus là pour le détendre, il fallut trouver une solution pour la paix des lieux.

Ce fut la guerre, à outrance, sans quartier, pas de merci, la montagne résonna longtemps de la fureur brusquement déchaînée, jamais Arthur ne s’en sentit glorieux, les impératifs de la ferme avaient décidé de lui faire franchir un pas, donner la mort dans l’aveuglement nécessaire.

C’est en le combattant qu’il le comprit, le jars était un redoutable et fier guerrier, il défendait ses plumes avec une redoutable efficacité, traumatisé par l’extermination massive de ses habituels commensaux, il était devenu dangereux, terrorisé, dans une course effrénée.

Au bout de son aile, il disposait d’un ergot, tranchant ou piquant ou simplement contondant, mais en courant en cercle, se dandinant, l’aile déployée,cou tendu de démence, sifflant de panique, jargonnant, forcené, il dissuadait tout être de s’approcher pour vérifier la véracité du danger.

L’ergot était une épée, une arme, un moyen de défense hautement sophistiqué et d’un potentiel sauvagement blessant sans aucun doute, l’animal ne pouvait survivre dans ces conditions, son sort était malheureusement scellé, il fallait en finir, accomplir les destins, répondre à cet appel.

Arthur passa un jour plein en travaux d’approche réguliers et méthodiques, tentant désespérément le cessez le feu unilatéral, s’accroupissant hors de portée, patientant, observant, démuni d’intentions guerrières, empli d’esprit de concertation, pacificateur, mais nulle paix ne vint.

Le jars était alarmé, infernalement bruyant, épuisant, incertain, même le chien rusait avec son ombre avant de traverser prudemment le jardin, le potager devenait un terrain miné potentiellement générateur de blessures non identifiables, une insécurité palpable, une menace assurée.

À la moindre approche, ne serait-ce que d’un oisillon maigrelet, le jars manifestait son hystérie, se déployait, et son aile majestueuse fouettait l’air telle une faux fermement tenue de main de maître faucheur, tenant tout individu en respect à plusieurs mètres à la ronde, un domaine condamné.

L’horreur parfois se joue des intentions pacificatrices, confronté à l’épouvante véritable l’esprit humain se surprend à envisager des solutions ultimes immédiatement rejetées hors ces contextes rares, c’était malheureux, mais cela n’était plus possible, l’effroi s’imposait, définitif.

Le jars est réputé fidèle à ses oies, ils forment ensemble un jeu, aucun nouveau harem ne pouvait garantir une accalmie ni se trouver en sécurité, aucun retour en arrière n’était envisageable, il fallait agir, se prémunir, s’armer, combattre et vaincre, le raccourci des civilisations victorieuses.

Arthur rompit alors ce jour-là son pacte pacifiste intérieur, le coeur très gros, allant chercher au plus profond de lui-même la force des barbares antiques, il dut commencer par combattre ses propres aspirations, avant d’entrer dans l’aire du combat, résolu, implacable, terriblement contraint.

Un vieux couvercle de lessiveuse en acier galvanisé et un manche de pioche le promurent chevalier, l’arène fut préalablement restreinte au potager, grillages réparés, toutes ouvertures clôturées, sans fuite possible, le jars était cerné, il fallait oublier tout ce qui est cher à l’être humain.

Au vu de la résistance acharnée de cet animal ordinairement si paisible et protecteur des lieux, lors de la journée de la tuerie sanglante, le renard fut bien goupil de ne s’y frotter point, soulevant un voile de poussière, la bataille fit rage, durant de trop longs instants Arthur se surpassa.

Son esprit se refusa au souvenir exact du nombre de coups dans le vide, sur des cailloux, sur le cou du glorieux volatile, la misère au coeur, sueur au front et suées dans le dos, Arthur trouva la faille, estoqua, tailla, et estourbit, le temps avait disparu avalé par l'indescriptible tuerie.
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