"Les autonomes eigties" : entretien 2
Sur la question de la violence
27) Selon Sébastien Schifres, la violence est omniprésente chez les autonomes des années 1970, quel est votre point de vue sur cette appréciation ?
CH : Je ne peux pas répondre à cette question, je n’ai croisé certains de ceux dont parle Schiffres que dans le début des années 80, avaient-ils vieilli, je ne dis pas que ce n’étais pas tumultueux et vindicatif, et parfois alcoolisé et braillard, soit, mais aucune omniprésence de violence.
28) Que voulez vous dire lorsque vous évoquez des « pratiques ultra-violente » des autonomes des années 1970 ? Quelles étaient ces pratiques ?
CH :Il me semble avoir parlé de pratiques ultra-violentes des pro-situs des « Fossoyeurs du vieux monde » non pas dans les années soixante dix mais au début des années 80. Ce n’était pas des pratiques dirigées contre la société ou des forces de répression, ni contre des fachos mais contre ceux qu’ils jugeaient trop mous, des violences tortionnaires ayant traumatisé sévèrement de nombreuses personnes et ayant par ricochet provoqué la mort de l’un des leurs lorsqu’ils attaquaient un squat, méthode vigiles cassant tout, l’un des occupants agressé a fait feu.
29) Comment était perçue la violence des autonomes par les autres militants et donc par les autres autonomes ?
CH : Nous avons toujours essayé de la percevoir le moins possible et de nous en préserver, cela n’avait plus rien à voir avec de la politique, mais avec du maquerautage, à partir de 1984, collectif U.S.I.N.E., nous nous en prémunissions en nous regroupant et en nous tenant solidaires les uns des autres, en tenant tricard les débiles hystériques, en négociant la tranquillité pour les autres, nous nous en protégions de la même manière que contre les nervis fachos.
30) Pouvez vous expliquer quelles étaient les différentes positions des autonomes sur la question de la violence ?
CH : Il n’y a jamais eu d’unité ou d’unanimité, la position la plus répandue est que la violence n’est ni obligatoire ni systématique, elle ne doit pas prendre le pas sur l’action à mener, si l’action est de prendre un immeuble HLM entier pour y reloger des familles mal-logés, il n’est pas question de préparer des cocktails, mais de battre le rappel des troupes le plus large possible, il y a alors une violence de masse et de confrontation avec les forces de l’ordre, ça passe ou ça casse, mais ce n’est pas l’affrontement le but et l’enjeu, c’est de rester dans les logements, d’autant que toute violence correctionnalisable déplace les forces sur un terrain choisi par la bourgeoisie et où elle est maitre du jeu, l’espace judiciaire.
Mais si des jeunes veulent s’entrainer et se défoncer à l’adrénaline, qu’ils prennent leurs responsabilités, tout dépend du contexte et du degré de respect de l’ensemble.
Il est bien évident que les forces au pouvoir n’octroieront aucune justice et bien être de gaité de cœur et dés que l’on impose une réappropriation par la force ou le nombre, il s’agit d’une violence à laquelle répondront les forces du pouvoir, nous ne gérons jamais le degré de cette violence, ce n’est pas à nous de l’élever, mais nous ne pouvons pas nous en extraire.
31) Inversement, quels étaient les pratiques dont vous vous sentiez proches ?
CH : Il n’y a pas d’inversion, juste un désir de cohérence et d’adéquation. Lorsque nous entrons dans un foyer Sonacotra pour l’occuper en solidarité avec ses résidents qui réclament justice sur leurs conditions d’occupation et de bail, la force que nous déployons par le nombre est une violence vis à vis de la direction du foyer, d’autant plus lorsque celle-ci est contrainte de céder, mais si les forces de l’ordre menacent les manifestants et s’apprêtent à évacuer le foyer, une résistance à leur mouvement ne peut-être que violente, selon quel degré, cela a été décidé avant ? Les résidents ont-ils une voie prépondérante ? Des intervenants extérieurs sont-ils fondés à imposer un degré de violence non assumé par l’ensemble des participants ? Ces questions sont constantes, et pas que chez les autonomes, engagés sur les luttes et autonomes politiquement.
Toutes les pratiques sont bonnes pour attirer l’attention, tout dépend du contexte et de ce que l’on veut obtenir
32) La question de la violence est la seule raison de la rupture entre vous et certains groupes autonomes ?
CH : La question de la violence entre autonomes est une cause de rupture entre tous les autonomes et le petit groupe sectaire et stalinien voulant imposer par la force et l’intimidation ses options politiques délirantes qu’il ne parvient pas à imposer, et pour cause , par la raison.
33) Pouvez évoquer les arguments de ceux qui ont décidé de ne plus se considérer comme des autonomes, tout en gardant les mêmes pratiques et les mêmes luttes ? Comment les appelait-on ? En faisiez-vous parti ?
CH : Ceux qui ont décidé de ne plus se reconnaître dans ce que la presse appelait le mouvement autonome s’appelaient les autonomes et ils sont toujours autonomes mais ne veulent pas être assimilés à ce que la presse appelle « mouvement autonome », et leurs arguments étaient de rester autonomes vis à vis d’un petit groupe hégémonique et dictatorial imposant ses positions par la force et la manipulation.
Je suis autonome.
34) Cette question de la violence introduit une rupture au sein de la mouvance autonome ou cela est beaucoup plus large ?
CH : Ce n’est pas la question de la violence qui est en question mais la question de la violence d’un petit groupe contre tous, quand à introduire une rupture au sein de ce qui n’existe que pour les journalistes je ne vois pas bien.
Sur la manifestation du 23 mars 1979
35) Avez vous participez à la manifestation du 23 mars 1979 ?
CH : oui, et nous étions trois paquets de cent mille à y être.
36) Peut-on dire que la manifestation du 23 mars 1979 constitue un tournant pour le mouvement autonome ?
CH : Pour ce que la presse appelle le mouvement autonome et dans leurs colonnes sans nul doute, mais pour tous les autres vies et luttes ont continué.
Les heurts violents se sont déroulés entre des sidérurgistes autonomes et les CRS, des autonomes parisiens et d’autres villes y ont participé, mais cette violence était la violence venue du bassin de Longwy en bagarres dures et d’un niveau de violence régulier et massif depuis six mois, les centrales syndicales sont régulièrement débordées, et le bassin d’emploi est condamné, il y a une véritable colère et un désespoir populaire qui touche bien au delà les traditionnels bastonneurs dénommés autonomes par les journalistes, et les autonomes sont les ouvriers sidérurgistes qui échappent depuis plusieurs mois à leurs encadrements politiques et syndicaux traditionnels.
37) Considérez-vous qu'il s'agit en tout les cas d'une victoire ou d'une défaite politique ?
CH : Il s’agit d’une grande victoire pour la bourgeoisie réactionnaire, liberticide et répressive, les lois anticasseurs datent de là, pour les autres cela n’a rien changé.
La défaite est une défaite à ce niveau là, la classe ouvrière est une classe condamnée sous sa forme de l’époque, et le monde de la liberté de marché unique se cristallise.
38) Que pensez-vous de la présence des autonomes à la manifestation ?
CH : Nous y étions très nombreux, nous n’y avons pas tous fait les mêmes choses, je n’ai même pas été jusqu’à la fin, certains marcheurs étaient diablement sympas et on s’est finis dans un rade vers Saint Lazare
39) Selon certaines sources, la marche des sidérurgistes sur Paris a provoqué une certaine agitation au sein du mouvement autonome et même au-delà, qu'en est-il pour vous ?
CH : L’agitation était dans la France entière, c’était la fin d’un monde et le dernier émoi populaire d’une force surpassant Mai 68, la fin annoncée de la Sidérurgie en France, les isolés que la presse nommait le mouvement autonome n’y étaient pour rien.
Mais avec leur habitude manipulatrice de tout se réapproprier ce petit groupe de plus autonome que tous les autonomes a considérablement dégouté toute personne de se joindre à la moindre AG qu’ils sabotaient de leurs présences vocifèrantes, et dans des registres à effrayer les pires des beaufs , « t’étais où le 23 Mars ? », « t’as pas de couilles », « t’es pas autonome » etc.
Sur certains groupes ou luttes autonomes des années 1970.
40) Connaissez vous les squatters de la rue des Caves, à Sèvres ?
CH : Oui, de manière éphémère et décalée dans le temps, il y a eu plusieurs périodes de soutien dans le temps et plusieurs générations de squatteurs, cela a duré très longtemps
41) Vous avez été proche de l'Organisation Communiste Libertaire (OCL) qui a succédée à l'ORA ?
CH : J’étais très proche de certains en faisant parti, mais je ne me souviens pas avoir assisté à une seule de leurs réunions, certains étaitent insoumis, comme moi, d’autres squatters, d’autres étaient dans les scop d’imprimeries etc.
42) Selon vous, l'OCL cesse d'être un groupe autonome après 1979
CH : C’est toujours un groupe politique autonome, mais il se dissocie de ceux qui revendiquent l’hégémonie sur tous les autonomes, en ce moment ce serait les invisibles ou les Black Blocs, dernièrement les coucous.
A l’époque c’était les Pro-situs
43) Avez-vous fréquenté des squats autonomes lorsque vous étiez lycéen ?
CH : Non, pas dans le sens ou vous le dites, mais le squat de l’Ave de Choisy était autonome, écolo autonome.
44) Selon Sébastien Schifres, les autonomes se retranche à partir de 1979 dans les squats, êtes-vous d'accord avec cette appréciation ?
CH : Beaucoup d’autonomes de ma connaissance étaient locataires et l’ont toujours été, je n’ai squatté qu’à partir de 1984.
Mais il est vrai qu’il y a eu beaucoup de squat à cette époque et qu’à partir de 1984 je croisais beaucoup d’autonomes issus de ces squats, vilins, cascades, Palikao etc.
45) Selon certaines sources, il existait à la fin des années 1970 tout une presse alternative et militante réalisé par les autonomes ou des groupes et individus proches d'eux. Pouvez-vous m'en parler ?
CH : En parler non ma mémoire ne me le permet pas, et je n’ai rien conservé , mais c’est exact, je peux citer quelques noms, CASH, TOUT, Molotov et Confetti, l’internationale, Possible, Quilombo, des publications de Parallèle et de Autrement, j’ai lu en 78 ou 79 notament une revue s’appelant désobéissance civile et pratiques autonomes (Alternatives n°5), il y avait les livres de Bob Nadoulek, et toute une raïa qui organisait des émission de radio, Radio Tomate, Radio mouvance, d’autres. Radio Voca
46) Selon certaines sources, la drogue a joué un rôle important dans l'effondrement du mouvement autonome après 1979, vous êtes d'accord avec cela ?
CH : La drogue a joué un rôle dans l’éffondrement d’une fraction importante, plus de trente pour cent, d’une génération de pauvres, marginaux, déclassés et autres, dont des autonomes qui n’ont jamais constitué le moindre mouvement.