"Les autonomes eigties" : entretien 6
81) Qui sont les autonomes des années 1980 ?
CH : De tous ceux que j’ai rencontré, ce sont pour beaucoup des margeos en rupture et avec des boulots précaires parfois pas de boulot du tout et des revenus d’expédiants, j’en ai croisé rue Saint- Anne à vendre leur cul, sans aller jusque là tout était bon pour se faire un peu de blé, et à partir de 1986 ou 7 il y a eu le RMI, dont l’instauration a certainement joué un grand rôle dans la pacification des populations marginales.
Certains avaient de très bons boulots super payés, correcteurs, journalistes, bizarrement ce sont ceux qui tenaient les fanzines d’incitation au vol et à l’insurrection, ils étaient très minoritaires.
Nous en avons eu beaucoup, les plus jeunes, qui venaient des lycées autogérés (Paris et Saint Nazaire) par vagues.
Beaucoup sont arrivés par les fréquentations dans les concerts.
82) Pouvez vous me parler des squats dans les années 1980 à Paris mais aussi en France ?
CH : Les squats étaient très en repli durant toutes ces années, beaucoup plus que maintenant, il y en avait un peu sur Lyon, et il y avait les opérations des Mal-logés ou de la bande qui tournait autour sur Paris, il y a eu un M.O.M.I. ( Mouvement d’Occupation des Maisons Inoccupées) à Rennes mais très éphémère, tenu par des lycéens mineurs donc très exposés à la répression.
83) Quelles sont les luttes dans lesquelles s'engagent les autonomes dans les années 1980 ?
CH : C’est foisonnant, les radios libres, le début d’Act Up, l’autoprod et le non copyright, que l’on nomme maintenant le « public commons », l’alter média (nous faisions depuis le progrès jusqu’à Narbé les correspondants français d’un échange de nouvelles autonomes internationales qui s’appelait Echomédia), les luttes des machinistes d’Air France ont parfois dérapé sur le tarmac,
les Autonomes d’OCL appelaient aux coordinations de travailleurs et allaient partout où ils pouvaient pour nouer des contacts et lutter contre le corporatisme insufflé par la LCR, les maliens de la comatec (nettoyage du métro parisien étaient autonomes et fédérés à la CNT), le logement bien évidemment avec deux pôles, toujours très solidaires, ceux qui voulaient la gratuité totale, représentés un temps par Narbé L’hermite, et ceux qui revendiquaient un logement décent, le comité des mal logés,
la revue « l’impatient » existait toujours et le Groupe d’Information sur les Asiles aussi, beaucoup suivaient les luttes canaques et relayaient l’info en métropole au travers de meetings et de réus d’info, les luttes écolos aussi, ce n’est plus l’anti nuc mais l’anti nano techno,
les premiers fauchages des volontaires anti OGM ont été fait par des Autonomes des squats de Lyon installés en campagne, beaucoup d’autonomes se sont enfuis des villes et ont tenté des expériences de vie collective autonome à la campagne, le collectif de la valette du Gard en est un, des groupes de réflexion sur le modernisme et la revue encyclopédie des nuisances,
des revues théoriques du style de « Notes et morceaux choisis », l’anti-prison toujours, les banlieues (le MIB), les précaires et les sans papiers, les autonomes se dissocieront des manifs trainés par les gauchistes en faisant des actions contre les compagnies charters acceptant des expulsés à bord ou en empêchant physiquement des retours de force, anti huissiers, anti expulsion de logement,
le début des assos sur le chômage c’étaient des autonomes, j’en oublie très certainement,
ah avant de clore, le concept de la maison autonome et de la maison de paille et de bois, avant de devenir commercial c’était un collectif autonome autour de l’architecte Michel Rosel,
les fruits oubliés et les échanges de graines de variété anciennes ce sont des autonomes aussi au départ,
autour des Conti, de Pierrot Conti, le tueur fou de l’Ardèche, ce sont des autonomes également, beaucoup sont toujours là, préparation d’évasions d’asile ou de caserne, etc.
Les travailleurs du négatif travaillaient la nuit à bloquer les rails des métros lors de grèves afin que les Jaunes ne puissent circuler
Les Black War visitaient de nuit les officines d’huissiers expulseurs, la presse a très peu relaté leurs exploits
Les os Cangaceiros ont réussi le fameux coup des cent-mille belles contre la construction des prisons modernes
Défense Extremiste Garantissant des Actions Terriblement Subversive (DEGATS) s’est énervé plusieurs nuits sur des chantiers de construction d’immeubles de rapport sur les terrains d’anciens squats expulsés et détruits.
Dans le nocturne on ne sait pas tout, mais les autonomes sont pour la plupart nyctalopes.
Les fossoyeurs du vieux monde. Mes meilleurs potes, issus d’eux, m’ont dit que c’étaient des diant- diant manipulateurs juste capables de se sauver en mobylette au moment où ça chauffait en laissant derrière eux les pauvrets qu’ils avaient manipulés, ils ont quand même publié quelques numéros d’une revue aux prétentions de réflexion politique, le seul numéro que j’ai eu entre les mains contenait un article où une « camarade » se demandait si l’aventure de la création du négationnisme par des camarades avait été très pertinente, les bras m’en sont tombés et la revue à chu au sol, elle doit y être toujours, de toute façons ce groupe en 1984 n’existait plus, une sorte de mythe.