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Publié par Christian Hivert

Du meutre de la chose

Tandis que les grandes forces actives de la société moderne dispersent aux vents mauvais les misères et les exclusions, et nulle solidarité ni force collective ne semble pouvoir les arrêter, si vous pouviez le faire, armés de votre science et votre langage, bien affectueusement  Dominique. Nous nous sentirions moins seuls, notre calvaire dans ce camp de concentration intégré aurait un sens, nous pourrions nous dire de la même humanité, vous seriez plus que les cerveaux sans conscience de la machine à exterminer, nous pourrions alors agir de concert pour bâtir la planète.

 

Le squat de Arthur, rue du Tunnel, se trouvait quasiment dans le prolongement de la rue Mélingue qu'il quittait, quelques centaines de mètres et il rejoindrait son téléphone et ses numéros d'urgence en cas d'arrestation au cours d'une opération nocturne, il allait encore devoir réveiller Denis Langlois.

 

L'histoire sentait la provocation à plein nez, comment ces guerriers stupides pouvaient-ils encore plastronner après de telles bévues, Arthur était là, il eut envie de se coucher là, de tout abandonner, vers qui se tourner désormais, tous désertaient, individualisaient les enjeux, séparaient les intérêts.

 

Sauf Dominique la permanence de ma parole intérieure que m'assure ton absence omniprésente, de toute façon, maintenant, même si tu n'es pas là, je sais que je peux te parler, tu es ma béquille, avec toi il me semble être sur une mer immensément calme, je m’avance alors tranquille. Seras-tu là au bout de mon chemin, souriante et m'attendant quand je serais enfin parvenu à me désanéantir, comme à chaque fois que je perds quelque chose, il me semble que je perds tout, que rien d'autre plus jamais n'aura lieu, tout est vain et les maîtres de la planète gouvernent tous les destins. Je ne me remettrais de ce moment difficile que grâce à toi Dominique, cette sérénité permanente de ton image abandonné dans mon positif absolu, blanc et lumineux, auquel ne s’opposerait plus aucun négatif, mon unique amour, la femme que j’ai toujours attendue, attends.

 

Arthur mesurait que cette vie de proclamations, d’ordres et d’implorations avait contribué à le sauver autant qu’à l'engloutir, cet amour évaporé, cette science incertaine, ces luttes inabouties, tous ces idéaux portaient à bon prix cette tranche morte du langage, ils en étaient le démenti.

 

— Mais à quoi sert-il de le savoir, car j'ai toujours rêvé de la mort Dominique et comme elle me refusait j’ai eu peur, et c’est le visage d’une femme qui se présentait une nouvelle fois, coïncidant par son désert avec l’idéal lui-même, avec toi, ce que tu étais, ce que tu es, tu es moi.

 

Pourquoi ce qui a toujours soutenu Arthur, le souvenir de cet émoi si sincère, de ces refus si violents, est aussi ce qui l’a toujours rendu malheureux, l’amour déçu du fin fond de ses blessures vivantes ne faisait qu’exalter l’idéal d’un amour parfait, d'un monde meilleur, d'un humain plus juste.

 

Sa parole donnée, lancée, devenant parole perdue, l’idéal lui avait été nécessaire pour résumer presque tout ce que l’on porte en soi de sublime, labile, indigne, de contradictoire et d’inactivé, l’idéal prêtait sa mesure à ce qui dans le langage prête ses oripeaux au néant, dans le destin compassionnel ou létal.

 

Il devait permettre, jusqu’à la mort, de tromper l’attente, de meubler l'ennui, afin de connaître la vraie vie, son avenir disparu ou concrétisé, il était pour lui une façon d’avoir affaire à la réalité et, au-delà de ce désert, à l’être, ou à cette coïncidence entre l’idéal de l’être et le moi.

 

Par quelle parole, dès lors, les prendre ensemble, c’est-à-dire les abstraire, pour se fonder soi-même et ne plus être le mort dans la partie, la parole devenait ouverture, et que les mots soient ce qui reste de toutes ces contingences sensorielles, aveuglément juxtaposées en amas de lettres.

 

Nés du meurtre de la chose, ils continuaient leur alliance traîtresse, s’organisant en un discours qui n’était que cortège funèbre, le langage n’est que le faible ornement du néant, pire, il nous jette en lui, la vérité ne console pas quand la vie s’échappe des chemins du possible, il voulait croire.

 

Jusqu’au terme de la vie, l’amour restera le dernier rempart contre la chute de l’idéal, contre l'inutilité apparente des luttes, cette connaissance est probablement indispensable à l'intelligence d'une réalité fondamentale, la motivation des êtres vivants, leur absolu, leur relatif, leur place.

 

Arthur héla son chien, un berger allemand qu'un voisin squatteur lui avait abandonné, l'animal était quasiment libre et furetait de squat en squat, le voilà qui était de retour à son bercail principal, jusqu'au prochain passage de Charly le Katangais, dit baston, dit boisson qu'il entraînerait dans sa ronde à nouveau.

 

L'animal vint le flairer avec attention et contentement, cela lui fit du bien, il avait comme tant de fois dans son existence l'impression d'être à côté de lui-même, de ne pas être le corps dans lequel il se trouvait, d'attendre stupidement d'exister à lui-même, où donc pouvait-il bien être réellement?

 

— Tu es là Arthur et tu as trop fumé, trop bu, ricana Dominique dans les volutes spinales de ses neurones fatigués,

— Bien sûr Dominique, peux-tu m'expliquer alors que cela me fasse cela si souvent depuis que je t'ai connu et je ne buvais ni ne fumais à l'époque, et je t'ai perdu, je me suis perdu?

 

Arthur soupira, quand donc cette dérive finira-t-elle, quand donc les humains du monde aborderont-ils son îlot désert? Être au milieu des foules et être seul, jeter ses mots et ses actes comme autant de bouteilles dans les mers démontées des passions et des mesquineries, ne plus vivre.

 

Était-ce par lâcheté? Pierre Selos lui avait parlé du courage nécessaire pour participer au monde, mais le monde refusait sa participation, une main invisible mais implacable s'ingéniait à défaire et détruire tout ce que patiemment et obstinément il s'efforçait de bâtir.

 

Et il ne se sentait plus de taille, Dominique Premier aussi lui avait parlé de son courage lorsqu'il avait quitté le lycée, interrompu ses études, elle venait de courir et de se jeter dans ses bras, oh cette unique caresse, cette intense bouffée chaleureuse l'avait noyé, englouti, puis avait reflué.

 

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