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Publié par Christian Hivert

U.S.I.N.E. infiltrée par un indic

Le mythe explosif des faibles, utile aux puissances militaires massacrantes des nations pétrolières avait toujours ses entrées dans des gosiers vibrants entre deux goulées de bières, mais la mégalomanie agissante des groupuscules en scission continuelle s'était émoussée depuis longtemps.

 

Arthur souhaitait seulement que son indicateur repéré ne saccage pas trop de destins, la majorité des collectifs étaient prévenus, il se dirigea vers le palier du Premier étage, conservant à sa vue la descente de l'escalier, il pourrait ainsi voir les visages des comploteurs quittant leur réunion.

 

Par la suite, il aurait le temps de les reprendre tranquillement un par un, il n'y avait pas tant de demeurés que cela qu'il ne fut impossible de leur faire entendre raison en peu de mots, toutes les résistances n'agglutinaient-elles pas à elles les irresponsables et les aventureux de tous bords?

 

Par la grande double porte du défouloir, Arthur pouvait voir l'éternel Xavier, autre provocateur violent d'un autre style celui-là, faisant tournoyer d'une main une barre d'inox aux reflets durement métalliques, ancien pied de table, émoustillant des adolescentes venues s'encanailler et baisoter.

 

De son autre main, il tenait une cigarette blonde et la fumait à la manière décontractée d'un acteur américain de série B, il entretenait le difficile exercice de forcer leur fascination à l'évocation des exploits guerriers dont il s'attribuait les mérites sans fanfaronnade ni retenue, du vécu.

 

Il était toujours le Premier à réclamer la préparation d'actions violemment anti-policières au cours de toute manifestation, il suffisait de le laisser tranquille à faire son numéro en évitant de croiser son regard translucide d'agitateur insensé, il était sans danger, à tout un chacun ses responsabilités.

 

Les casseurs de vitrines avaient toujours existé, et leurs ennemis également, les actions politiques pouvaient devenir des exactions, les motivations des complices de vitriers et d'assureurs étaient multiples et variantes selon les époques et le degré d'organisation des manifestants, leur nombre.

 

Les amoureux du désordre social et les tenants de l'émeute permanente possédaient leurs idéologues et leurs détracteurs comme la terre son satellite, comme la manifestation son débordement, beaucoup de sociologues et de journalistes y trouvaient le moyen de leur salaire.

 

Arthur et ceux d'U.S.I.N.E. ne se rendaient aux manifestations qu'en collectif relativement soudé et n'avaient à craindre sur leur passage que la casse de quelques vitrines trop voyantes et riches d'accapareurs sans morale ni vergogne et de voleurs institués, la critique sociale s'exprimait.

 

Aucun contact avec les forces de l'ordre n'était particulièrement recherché, loin de là, mais chacun était libre de ses actes, Arthur n'irait certainement pas constituer de service d'ordre musclé pour défendre des biens mal acquis de commerçants, la paranoïa arrogante anti-casseur n'était pas son fort.

 

La constitution de comité de défense, il préférait les ménager en faveur des pauvres, des opprimés, des sans droits et des oubliés, moins bien traités que des animaux, que le monde libre, libéral et occidental, condamnait à vivre en taudis, dans la famine et le  dénuement abject, l'insécurité.

 

En termes politiques, Arthur n'avait pas de politique et n'adhérait à aucune idéologie, il n'était ni avec les Staliniens ni avec les ML, dit Meuleux ou Marxistes-Léninistes, ni avec les Libertaires en constante lamentation au sujet de l'histoire de la guerre d'Espagne, Autonome autonome.

 

Arthur ne pensait pas que l'activisme des casseurs de manifestations puisse être d'une autre utilité que la valorisation d'un prétendu courage et la recherche éphémère de leur défonce d'adrénaline, il fallait plus de courage pour empêcher une expulsion de famille au matin, quand ils dormaient.

 

De même les forces de l'ordre ne respectaient pas les lois et les valeurs prétendues de la République et défendaient systématiquement les intérêts des riches et des puissants contre les revendications des pauvres, tant pis ils avaient choisi leur camp, et étaient payés et entraînés à cela.

 

Néanmoins en réunion hebdomadaire du mercredi soir, Arthur se tenait toujours sur les positions les moins guerrières qui soit, et cela ne l'empêchait pas de rester solidaire des interpellés après chaque dérapage, fréquemment, ce qui engendrait une activité supplémentaire, leur soutien.

 

Mais cela lui paraissait une telle perte d'énergie plus utilement dépensée à son goût dans un travail d'information, de propagande et de lutte, pour bâtir un solide réseau de connivence et de solidarité des collectifs de défense entre eux, d'apaisement des antagonismes fratricides.

 

Toutes ces luttes s'attaquaient en effet aux mêmes responsables et se retrouvaient en butte des mêmes gestionnaires de massacres et d'injustices, il fallait donc se souder, se défendre et attaquer de toute part afin d'avoir une chance un jour de les  réduire ou de les mettre hors d'état de nuire.

 

Cela lui demandait bien plus d'énergie, de courage et de patience que d'aller tenter  d'éprouver sa valeur physique au cours d'une manifestation pour épater une petite copine, il essayait de développer ses idées au milieu des quolibets et des doutes incantatoires et enflammés des guerriers.

 

Car ils ne taillaient pas dans la dentelle, leur grille de lecture était des plus frustres et des plus simples, distribuer un tract était une activité gauchiste, une prise de tête, parler d'autre chose que de péta les keufs ou de séca du reuvé était bidon, stalinien, meuleux, beauf c'est à dire fascho.

 

Parler d'entrer en contact ou de soutenir d'autres collectifs de lutte était assimilé à un activisme inutile d'éducateur voire de flic, les grandes gueules autonomes rivalisaient de redoutables et profondes réflexions du même désarmant principe de négation de la pensée au profit du corporel.

 

Malgré tout Arthur arrivait en compagnie de quelques autres à assurer leur autonomie d'action au milieu des restes hautement disgracieux de l'Autonomie Parisienne, et leurs projets se maintenaient et progressaient, les liens se tissaient au travers des actes des damnés de la terre.

 

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