Ouvertures autonomes d'immeubles
Quand tu veux, où tu veux, tiens, et on lui tendit un pétard, Reine s'amusa, alors c'est bien dehors, c'est bien dehors, je vais bien m'amuser, tu t'es toujours bien amusé depuis le P.R.O.G.R.E.S., et ça va continuer, Arthur tira une longue bouffée convaincue, cuisse contre Reine, vous avez vu Rocky?
Il t'attend pour son squat, il a les clés, il sera là ce soir, il voudrait ouvrir le plus tôt possible, il s'est fâché avec sa pineco, il dort chez Maxwell, mais c'est pas facile, il est parti chercher un groupe électrogène pour le cercon ce soir, il m'a dit que tu l'attendes, pétard servi et squat clé en main, belle la vie.
Arthur, après avoir bu quelques canettes de bières et fumé les pétards qu'on lui présentait eut envie de quitter cette inactivité combattante de ses copains autonomes et punks, il se leva et assura son équilibre, l'habitude aidant, il circulait gris et enfumé, régulièrement sans qu'il n'y paraisse.
Bon, on bouge un peu, je retourne sur le boulevard moi, voir ce qui s'y passe, mais attends on y va tous, il y a le concert, c'est pas près, le groupe électrogène est mort, t'aurais vu Rocky tout à l'heure, il était fou, il faisait des bonds, le temps qu'il revienne avec un autre, on a le temps.
Oui, mais je veux voir les autres, ah oui, ton comité, nous on les soutiens, c'est bien votre histoire, mais pas plus, nous c'est le sponte, les réus tous ces trucs, les prises de tête c'est pas pour nous, nous on vous protège contre les keufs, chacun son boulot Arthur, nous notre boulot c'est les keufs.
Ayant l'alcool autant affectueux que bruyant et répétitif, Charly se dressa de toute sa stature massive et harangua le sable du square, un des punks s'adressa à Arthur, je ienv veca oit, viens-tu Reine, non, je vais faire une petite sieste, je surveille mon teint pour ce soir, s'il y avait un prince charmant.
Avec l'euphorie des grands jours, Arthur, entraînant dans son sillage le jeune punk fédéré depuis le squat U.S.I.N.E. de Montreuil, fit le compte de ce nouveau démarrage de sa vie, en fanfare, il perdait Montreuil et gagnait l'inconnu, le futur se promettait d'être mouvementé, au moins tu ne t'ennuies pas.
Que veux-tu Dominique, nous n'avons pas tous des avenirs programmés depuis l'enfance, papa chercheur, maman professeure, et la bibliothèque sur tous les murs de la maison, certains refusent le programme et grattent leur devenir du bout des ongles et de leurs espoirs, c'est un destin.
Quand les années auront émoussé nos souffrances et amené la sagesse au coin de nos yeux, nous nous retrouverons, j'en suis sûr, nous ne nous sommes jamais quittés, nous aurons tant de choses à nous raconter, de ces chemins parallèles en énigme mathématique sécantes à l'infini.
Tu veux dire que nous avons le temps, l'infini, vis si bien ta vie que j'en sois jaloux, tu connais la jalousie, j'ai beaucoup appris depuis le lycée, c'est vrai tes universités étaient de la dernière originalité, très peu académique, on peut le dire, et cela mène où tout ça, de l'univers au monde.
Les chercheurs préfèrent l'inverse en général, est-ce plus original, la connaissance est partie de l'univers et de son observation, on suppose que la vie même en est issue, quel est le sens emprunté par les destinées, dans quel sens le dis-tu, cela n'aurait pas de sens si cela n'avait pas tous les sens, tous les sens?
Et le sens des essences, de tes essences, quand ton cou réfugié au creux de mon nez réclamait aide et assistance, savais tu déjà que tu m'infligerait la plus cruelle des peines, est-ce là le sens de notre essence commune, tu veux faire parti des puissants que je combats, m'écraseras-tu?
En arrivant sur le boulevard distant de quelques minutes de marche Arthur et son compagnon de l'après-midi virent un attroupement massif, une militante l'apostropha, eh ben ça fait u moins deux mois qu'on t'as pas vu toi, tu passes au nouvelles, j'étais en taule, je suis sorti hier, oh pardon, ça va?
Elle lui fit la bise du coup, tout le monde dans leur milieu ou presque était passé par cette case là, la compassion pour les sortants était automatique et la solidarité pour les entaulés était une base commune à tous, dans la majeure partie des squats une caisse zonzon alimentait les mandats envoyés.
Et bien, on peut dire que tu arrives à pic, nous allons profiter de la fête pour faire notre Première assemblée générale du comité des mal-logés, cela va démarrer dans quelques minutes, Arthur en avait le vertige, tout se passait en même temps, des jours passés à être figé, et d'un coup l'embellie.
Un grand Malien en djellaba de couleurs vives et à la barbe blanche réclama le silence et l'attention, tous les présents se turent et firent un cercle vide au centre, je vous prie de bien vouloir excuser le tranchant de ma parole, à l'avance permettez moi de vous demander de pardonner les offenses…
Le grand Malien développa quelques minutes sa prise de parole et présenta le projet du comité, fédération d'immeubles en lutte et regroupement de mal-logés habitants de taudis, alors ça y est la révolution commence, tais toi Dominique, planches sur ta thèse et concentres toi sur ton doctorat.
L'assemblée constitutive du futur mouvement autonome dénommé le comité des mal-logés eut lieu ainsi, parmi des gens ne se connaissant pas les uns les autres, mais partageant tous les mêmes difficultés de logement précaires, dés le départ il échappa aux structures conditionnées, cela fit peur.
Arthur était aux anges, enfin, un mouvement avec des intéressés du Premier chef, des auto organisés, ils allaient percer l'univers de soubresauts profonds qu'aucun révisionniste de l'histoire ne pourraient effacer, quelque soit leur intérêt politique et égotique du moment, la vérité était l'avenir du peuple.
L'assemblée dura plus de deux heures, les autonomes alternatifs habitués des concerts commençaient à finir d'installer leurs équipements, le boulevard se remplissait de nouveaux, venus aux informations, les policiers flirtaient avec les trottoirs avoisinants, l'ordre régnait.
Dans les échanges courtois d'un jour, Arthur réussit à contacter tous ceux dont le besoin se faisait sentir pour l'ouverture du nouvel immeuble, l'information étant donnée trop tardivement cela ne pouvait être revendiqué par le comité naissant, mais tous s'y associaient, et la nuit venante s'y prêtait.