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Publié par Christian Hivert

Réveil à huit heures, les Basques sont toujours joyeux, un vieux arrive dans la maison, il est soutenu par un jeune, on l’installe près du foyer avec un verre de Baï Jiu, il chante, puis vient les rejoindre avec quatre petits verres et le fond d’un bidon en plastique de Baï Jiu.

C’est reparti, le mariage doit durer trois jours comme chez tous les peuples à forte tradition villageoise, mais ils n’ont pas prévu de rester si longtemps, le Baï Jiu du matin réchauffe et remet l’estomac dans un équilibre incertain, il leur faudrait manger, ils n’osent demander.

Ils finissent par quitter le village, en remerciant tout le monde, dans la rue centrale de terre battue les jeunes s’amusent en les croisant, ils redescendent le chemin de Ganlaba dans la brume, ils ont faim, très faim, ils arrivent à Ganlaba avec le soleil, le bac les traverse de nouveau.

Ils partent, dès le bac arrivé, au marché acheter des fruits, des boulettes de viande, du riz et ils s’attablent devant une nouille, la marchande de poissons grillés arrive, ce n’est pas de trop, la mamie de la nouille, toujours sympathique, les a à la bonne et les regarde dévorer avec sympathie.

Ils rentrent à la Maison de bambou Daï, leur petite chambre d’hôte locale, et racontent leur aventure au patron rigolard, il les attendait la veille mais ne s’est pas inquiété, il rit franchement, diables de vieux étrangers, comme les peuples se ressemblent, d’aussi loin qu’ils viennent.

Depuis, dans leur langage privé, l’expression « de l’autre côté de la rivière » a pris la stature d’une règle de vie, il faut toujours aller y voir, « de l’autre côté de la rivière », c’est dans la tête aussi, il y a soi-même, autrement, on s’y repose, on y rencontre, on y découvre, soi-même, les autres.

Ce sont des retraites importantes pour les Hommes ne souhaitant pas avoir leur vie dirigée, mais conduire leur vie, aux antipodes du vaisseau spatial Terre, dans un monde et une culture parallèle, des êtres humains nous ressemblent comme des frères, ne se soumettent pas à l’indifférence.

Arthur avait retrouvé sa respiration, toutes les gluances de son être avaient fondu, ébroué comme au sortir d’une maladie, d’une longue fièvre, prêt aux nouveaux plaisirs de la vie, plus léger enfin, apte à sourire à son avenir, fier de ses souvenirs, prêt à son avenir.

À l’autre extrémité du long fil de la soie traversant le continent, des confins de la Chine noble et fière aux montagnes rudes et hautaines de l’Ardèche, ils avaient trouvé leur paysage, pour s’y enraciner, dans le lien perpétuel et fécondant des rencontres entre les peuples du monde.

Le territoire avait toujours accueilli les fuyards des guerres et des famines, le châtaigner avait nourri tout le monde et le granit avait protégé Hommes et troupeaux, les civilisations millénaires ne sont-elles là pour accueillir, pour faire grandir, agrandir le respect des êtres ?

Durant tous ces mois d’isolement volontaire, il avait recentré son énergie, avait reposé un pied stable sur la construction de sa vie, il avait envie de faire la fête avec ses amis les pauvres, là-bas, vers les vallées à nouveau verdoyantes, lové au creux des espoirs les plus nobles de l’humain.

Cela n’allait pas plaire au plus grand nombre, les pauvres peuvent passer une nuit entière à rire aux éclats, c’est leur médicament, les gènes rient au-delà de toute indécence, cela ne rapporte rien aux maîtres de la terre, cela désespère ceux qui voudraient que tous s’intègrent à leur fadeur ignoble.

La maison d’où il avait été expulsé, pour l’agrandissement de l’espace de vacances de son voisin accapareur, se souviendrait des rires des enfants des uns et des autres, de leurs jeux et de leurs cavalcades, il fallait bien en partir pour ne pas subir un voisinage disgracieux et harceleur.

Arrivé à la mobylette, Arthur y trouva sa compagne l’attendant, alors, tu reviens, la mairie nous loue l’ancienne école, c’est refait à neuf, et il y a une salle pour notre association, il faut que tu viennes signer, le soleil revenait et les primevères étaient en fleur, il lui restait à vivre
Christian Hivert, Le Libonés, Décembre 2007 à Avril 2008

Sommaire :
Signes page 5
Paris pauvre page 19
Le jars page 35
Mâle dominant page 51
Paris luttes page 63
Les traites page 77
Trop tard page 91
Les Gens Bons de Paris page 102
Les Braves page 116
La richesse des pauvres page 128
Jardin page 140
De l’autre côté page 152
Sommaire page 160
Remerciements page 161

Remerciements à Pierre Selosse, Sophie Colson, Claude Fleutret, Muriel Le Strat, Mireille et ses chèvres, France et André, Nénette, Lucette, Gilles et Irène, à tous les Arthur dont voici le recit, Eric et Gibus, Jean Christ, Wolf, Jean et tous les pauvres d’Ardèche, et de là-bas, à Jeanne-Marie Miens, Louis et Simone, Jeanine et Dédé, les oncles et les tantes, à ceux qui n’y trouveront ni leur nom ni leur prénom, mais qui sont tous là, à tous les peuples accroupis, aux anciens, fondateurs de la mémoire des Arthur, à la municipalité de Juvinas.
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