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Publié par Christian Hivert

Epilogue

L'adieu aux larmes

 

 

 

 

 

 

 

Avant de partir de Paris Arthur avait fait un pèlerinage, comme au temps de son enfance, sa mère les entrainait sur une tombe du cimetière de Thiais, ici repose Catherine née le 26 Octobre 1962, décédée le 29 Mars 1963, la concession arrivait au terme des trente ans, là était sa sœur.

 

La tombe était en friche, il n'avait jamais connu le nourrisson, tout cela s'était produit durant son séjour en pouponnière, il n'en connaissait aucun détail, et cette absente avait été omniprésente dans les non dits familiaux, il fallait faire le deuil d'une inconnue n'ayant pas vécu, sa sœur.

 

Il avait parfois tenté d'imaginer ce que cela aurait changé dans les détails de sa vie, si elle avait vécu, mais cela n'avait pas eu lieu, pourquoi s'attachait-il ainsi aux impossibilités des histoires tant individuelles que collectives, pourquoi ne laissait-il pas simplement filer la quenouille?

 

A quoi avait donc bien pu servir cette conscience humaine, quelle force souterraine et incontrôlable gouvernait le massacre et la barbarie, pourtant régulièrement des quatre coins du monde des foules se soulevaient pour réclamer le droit de vivre en paix collectivement.

 

Pourquoi avait-il aimé celle qui partait avec la moto, pourquoi avait-il aimé celle qui voulait être célèbre et riche, pourquoi était-il là, seul et triste, à quoi donc était-il bon, une planète grouillante au milieu des milliards d’étoiles, il était insignifiant et cela n’avait pas de sens.

 

Il n’était jamais parvenu qu’à enrichir son malheur initial de mille trouvailles plus amusantes les unes que les autres, et toutes ces luttes menées n’avaient rien donné d’autre que le souvenir de ce qu’elles avaient été, et toutes les situations s’étaient dégradées, le monde restait sauvage.

 

Cela faisait des mois que ces pleurs n'en finissaient pas de lui piquer les yeux, sans parvenir à couler, jamais, il portait en lui le pleur perpétuel, était-il le seul à pleurer ainsi, à se motiver intensément pour pouvoir bouger, remuer, aller et rejoindre des pauvres et être enjoué.

 

Enfanté d'un ventre sans plaisir, ni désiré ni bienvenu, il connaissait bien par son cœur l'ambiguïté de ces vies inattendues, qui dira un jour la torture de l’exclusion, quand on n’a plus sa place au banquet de l’espèce humaine, contraints aux survies sans utilité, aux consommations.

 

De ses sociétés impavides et souveraines qui faisaient payer à l'innocent le désarroi de la puissance sans limites, de l’appétit de possession général, jamais dans toute l’histoire des civilisations on n’avait autant massivement imposé l’unique médiocrité des vies sans finalités.

 

Qu’avait-il fait d’autre que de se  protéger dans le cocon hermétiquement clos des plus galériens, traitant comme ennemis les plus soumis, les plus garants de l'injustice, sans s'apercevoir qu'ils en étaient tous au même degré de torpeur, de soumission aux conditions existantes.

 

De quel nouveau monde en construction pouvait-il parler, ses aventures pourraient-elles apparaître par la suite comme autre chose ou plus que d’éphémères expériences libertaires, valorisation de sa posture sociale imposée par les maîtres des vies et des souffrances.

 

Ainsi donc ceux qui n’avaient d'autre d’histoire que celle de ceux qu’ils exploitaient décidaient de la fin, alors que depuis des millénaires l’humanité vacillait dans la construction du début de toutes les histoires sous le dôme macro explosif des univers reliés, il fallait se faire petit.

 

Passé la déception et la rancœur, pour Arthur rien n’était jamais posé, son sac encore moins, il faisait partie des nomades de la Terre et se devait de vivre plusieurs vies dans le temps d’une seule, l’Ardèche ressemblait à la Chine, et puis les chèvres, c’est bien, c’est classique.  

 

Ils avaient compris quelque chose de nouveau en revenant de leur voyage d'un an, de leur fuite chez d'autres inconnus, les bourreaux étaient forts et ne céderaient pas, les victimes les fuiraient de peur du pire, et tourneraient le dos à Arthur et sa compagne ceux dont la profession participait au massacre.

 

Arthur n'avait plus le goût de passer en avant et d'encourager à suivre, il lui fallait des momentanés plus doux, il lui fallait des rêves plus restreints, sa compagne et lui étaient revenu de l'autre bout de la planète plus murs et plus surs l'un de l'autre et par conséquence d'eux, ils se marrièrent.

 

Ils pouvaient alors envisager, même tardivement par rapport à d'autres, de vivre pour eux avec des projets à leur mesure, ne risquant plus de devoir dépendre du bon vouloir ou de la compréhension de regroupements éphémères et trop souvent démotivés, d'orgueils jaloux et d'égos possessifs.

 

Par le fruit d'un hasard inconnu Reine avait trouvé refuge de l'autre côté du fleuve, ni Arthur ni Reine ne le surent jamais, Reine s'en était tirée, elle aussi avait réussi à fuir, ils ne s'étaient plus revus que dans leurs souvenirs respectifs, ils se savaient vivants.

 

La résurrection de Reine dans son corps assumé fut d'une lenteur tortionnaire des plus folles, elle eut envie de nombreuses fois d'abréger ses souffrances, elle ne le fit pas, voulait-elle prouver opiniâtrement à quelques uns voir à tous qu'elle pouvait vivre et même enfanter.

 

Ce fut certainement l'arrondi de son ventre pour la première fois accepté et désiré qui la sauva définitivement, elle avait réussi depuis un moment son sevrage physique, elle était indemne de toute maladie, elle revivait et des petits coups de pieds la faisaient vivre et vibrer.

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