Rien n'a changé depuis les réquisitions inflammables
Les gens sont toujours relogés dans des taudis
L’immeuble qui a brûlé il y a seize ans à Paris Bd Vincent Auriol avait une
histoire très particulière... Vu qu’il fut une "victoire du dal" suite au campement
médiatisé du quai de la gare en 1991, opération fondatrice de l'association gérée
par les organisations de la gauche de gouvernement.
L’objet de l’article qui suit n’est pas de relancer une polémique, mais l’amnésie
hypocrite des organisations de gauche et d’extrême gauche qui “communiquent”
sur le logement est scandaleuse, indécente, et mérite un rappel des faits.
Un peu d’histoire .... Le phénomène des taudis et marchants de sommeil est
aussi vieux que l’industrialisation de la région Parisienne, chaque immigration
l’a subie, y compris à une époque les bourguignons, les bretons, etc. considérés
comme des étrangers à Paris, avec à la clef des drames comme Bd Vincent
Auriol.
A partir des années 1980, on voit des familles maliennes, sénégalaises et
françaises, squatter des immeubles laissés vides dans des quartiers en voie de
rénovation. La presse en parle comme des dealers de drogues dures pour justifier
l’expulsion de familles (Ilot Chalon, rue des Flandres).
En 1987, suite à une série d’incendies meurtriers avec plusieurs dizaines de
morts, un petit groupe militant crée le Comité des Mal Logés (C.M.L.) qui
organise l’occupation de logements H.L.M., intervient quotidiennement contre
les marchands de sommeil, dénonce la politique du logement comme un aspect
de l’exploitation subie par les ouvriers.
En quelques années le C.M.L. devient une structure de nombreux
mal-logés/militants (plus de cinq cents à sa dissolution, Cécile Péchu évoque le
chiffre de 1300). Au printemps 1990, le gouvernement (de gauche) décide de lui
régler son compte en expulsant deux immeubles squattés abritant les locaux du
C.M.L.
Ce fut une des rares expulsions loupée de l’histoire des squats à Paris. Malgré un
déploiement de forces spectaculaires (2000 c.r.s.) les militants du C.M.L.
occupent la rue et au bout de quelques jours l’ensemble des organisations
classées à gauche, l’extrême gauche, au centre et des organisations caritatives
les rejoignent.
Bref toutes les organisations opposées a Chirac (maire de Paris à l’époque) se
précipitent place de la réunion pour soutenir et noyer l’impact du C.M.L., et
redorer leur blason électoral du côté des classes populaires pour regagner la
gestion des vingt arrondissement détenus par la droite.
La place de la réunion sera occupée six mois et tous les expulsés relogés en
logement H.L.M. conformément aux revendications du C.M.L. et malgré
les gesticulations de certains carriéristes au sein desquels Cambadelis et Désir
Le C.M.L. et les organisations qui viennent le soutenir n’ont pas les mêmes
orientations. Par accord tacite la rupture n’éclatera qu’après le dernier
relogement avec la création du dal.
Pour faire rapide on peut comparer les divergences entre ceux qui défendent un
“syndicalisme de lutte de classe” et ceux qui défendent un syndicalisme “de
participation” cogestionnaire, entre ceux qui luttent ensemble pour leurs intérêts
de classe et ceux qui veulent "porter la parole" des pauvres, jugés incapables de
s’organiser seuls et que l’on vient encadrer pour qu’ils ne débordent pas du
cadre immuable des injustices.
Les organisations se veulent “pragmatiques”, critiquent la politique de Chirac et
limitent la question du logement à Paris intra muros. Elles proposent des
solutions qui se voudraient à la fois plus convenables pour les mal-logés et
acceptables pour le gouvernement.
En fait elles ne font que répondre aux attentes de l’Etat, qui se désengage du
logement social. Aux revendications portées par des ouvriers, demandant leurs
droits en matière de logement, elles substituent le besoin d’un toit pour des
pauvres familles... et entérinent de ce fait la fin du logement social. Le droit au
logement autrefois garanti et légitime s’effondre sous des conceptions étranges
d'occupation de taudis privés.
Le C.M.L. refusait les relogements “provisoires”, les baux glissants, les
relogements en cabanes Algeco, ou en réquisitions gérées par des caritatifs
outrageusement méprisants, parce qu’il y voyait la reconduction pérennisée des
taudis.
En effet ses adhérents ne sont pas “à la rue” mais vivent dans des taudis, et c’est
pour sortir de cette situation de précarité qu’ils luttaient.
Le C.M.L ne faisait pas de différence entre Paris, sa banlieue, voire la France
entière quelque soit la couleur politique des communes ou il intervenait et
fonctionnait sans hiérarchie dirigeante.
Le dal est créé en concurrence du CML et presque toutes les organisations aux
ordres le soutiennent, mais le C.M.L. pouvait encore compter sur bon nombre de
mal logés, de jeunes squatters, et il avait pris l’habitude de s’implanter sur les
lieux de travail (grève à la COMATEC, débrayages au nettoyage de la ville de
Paris.)
Le dal poussé par la nécessité d’apparaitre comme le représentant unique des
mal-logés se lance dans des interventions, et ses premières mobilisations sont
des échecs parce qu’il manque de crédit auprès des mal-logés.
Alors, en 1991 il organise dans l’urgence un campement sur les bords de la
seine, au quai de la gare. Cette lutte jouit comme toutes les actions du dal d’une
omniprésente couverture médiatique bien supérieure à sa réelle implantation,
alors que sur le campement c’est la catastrophe, les mal logés sont isolés et ne
peuvent bénéficier de la solidarité du voisinage.
Les problèmes s’amoncellent, les mal-logés qui campent sont privés de toute
autonomie (détournement de la caisse de solidarité des mal-logés au profit d’une
association contrôlée sans contestation pour empêcher les gens de gérer leur
lutte).
Le gouvernement sera obligé de prendre directement les choses en main, de
déplacer l’abbé Pierre pour "convaincre" les mal-logés d’accepter des
relogements provisoires en cabanes algéco, ou dans cet immeuble délabré et
réquisitionné par l’Etat Bd Vincent Auriol (avec la menace à la clé de démonter
les tentes financées par Emmaüs et les organisations pour mettre fin au
campement).
Cette "victoire du dal" qualifiée comme telle par le dal et les organisations qui le
composent ou le soutiennent est une défaite pour tous les mal-logés.
Les gens sont relogés dans des taudis, avec des baux précaires qui les privent de
droits. L'association parvient à instaurer et soutient mordicus un total et semble t
il définitif abandon de sa dénomination même, le droit au logement, qui n'est en
rien un droit au taudis inflammable.
Quant au relogement définitif, hormis pour les carbonisés, ce ne sont que des
promesses peu crédibles, car la politique du logement n’a pas changé et les
associations liées à Emmaüs qui gèrent les baux glissants ne relogent la plupart
du temps que des célibataires et des couples sans enfants.
De plus pour briser la résistance des mal-logés, le dal favorise les corrompus,
clientélise la lutte, exacerbe les rivalités, ce qui fait de l’immeuble Bd Vincent
Auriol un lieu ingérable, et on aura recours à des vigiles privés pour maintenir
l’ordre dans cet immeuble et dans les camps d’algéco . Malgré ce gardiennage
l’immeuble prend feu ?
Et l'on avait eu la perversité de recouvrir les murs d'aggloméré hautement
inflammable en lieu et place de plaques de plâtre réputées antifeu, un cm de
plâtre resiste 30 mn à l'avancée d'un feu, cela n'était pas une erreur mais une
expulsion meurtrière programmée.
Tout cela est présenté dans les médias, dans les discours des organisations
comme une “victoire du dal” qui désormais aura “relogé plus de familles que le
C.M.L.” et les services municipaux réunis.
Ils se félicitent d’avoir créé un précédent en obligeant l’Etat à réquisitionner des
logements vides (en fait des super taudis, ou comme le jugera le tribunal des
"cercueils"), et présente aussi comme "victoire" la mise en place par l’Etat d’un
partenariat avec les associations caritatives pour la gestion des baux glissants,
c’est à dire l’absence de tout droit commun à tous.
Si le drame Bd Vincent Auriol est avant tout la conséquence d’une politique
libérale éreintante pour les classes populaires et maintenant moyennes, sur ce
cas, la responsabilité d’Emmaüs, du dal, des organisations syndicales et des
gauches est précisément engagée.
Précisons que depuis des dizaines d’années les pouvoirs publics proposent des
relogements provisoires aux familles mal-logées, que le dal comptabilise dans
ses chiffres de relogement obtenu, comme dans cet hôtel de l’Opéra, autre
incendie spectaculairement meurtrier.
Les mal-logés relogés Bd Vincent Auriol n’étaient pas à la rue. Ils avaient
rejoint le dal comme d’autres avaient rejoint le C.M.L. pour revendiquer l'accés
à d’autres logements que leurs taudis.
Le dal n’aura servi qu’à user leurs volontés de lutte, pour faire accepter aux mal-
logés ce qu’ils refusaient au départ.
Ces drames, en instance dramatique de renouvellement, démontrent que le dal
n’a rien résolu pour ces familles contrairement à ce qu’il clamait haut et fort à
l’époque constitutive du quai de la gare. Non seulement elles auront vécu
quatorze ans de plus dans un taudis gardienné et il aura fallu une fois de plus
que certains en meurent pour qu’on en prenne conscience.
Seize ans ont passé depuis cet holocauste, et dix ans depuis ce procès cynique de
l’incendie du Bd Vincent Auriol. Faut-il que sans cesse ces drames et ces
incuries se répètent avec la complicité ignoble de carriéristes politiciens ?
Ce sont des logements décents, stables et garantis pour tous qui sont demandés
par les mal-logés, pas des réquisitions de bâtiments minables et impropres au
logement, avec les risques que cela comporte