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Publié par Christian Hivert

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Et toi, tu ne veux pas y habiter au soixante-sept, non, je vais quitter Montreuil, les autres me fatiguent et ils ne me parlent plus, je suis sorti hier de prison, je suis arrivé, ils étaient là, dans le silence, ils ne m'ont rien dit, je ne leur ai rien fait, mais bon, c'est comme ça, on ne s'entend plus, il est temps de se quitter.

 

Mais le soixante-sept c'est toi qui l'a ouvert, tu y as ta place, non je ne suis pas d'accord avec le mode d'organisation intérieur, leur règlement leur, tour de balayage etc. c'est pas comme ça, les gens sont adultes, tout le monde doit décider ensemble, il ne doit pas y avoir de chef.

 

Pourquoi tu ne combats pas un peu pour ton idée, je l'ai fait, je ne suis pas pour s'empailler sans arrêt, le pouvoir est pris, c'est foutu, le seul truc qui peut être bien c'est le comité des mal-logés, tout se décidera en assemblée générale et il n'y aura pas de chef, et que Narco encaisse ses loyers.

 

Ouais c'est sûr si vous vous entendez pas c'est pas la peine, mais c'est dommage de se diviser comme ça, dès le départ, mais on n'a pas le choix, moi il est hors de question que j'obéisse à deux fêlés mégalomanes, et il est hors de question non plus que je donne des ordres à quelqu'un.

 

En plus tous les rapports sont pervertis, les petit-blancs chefs gèrent les dossiers des familles, ils leur donnent des espoirs et en attendant ils créent un rapport de domination hiérarchique et de dépendance, c'est un pouvoir, rien n'indique qu'ils aient raison, mais ils ne veulent pas en parler.

 

Il ne peut pas y avoir de confiance quand on vient te dire qu'il faut qu'il y ait plusieurs niveaux d'information et que tout ne soit pas su ni discuté par tout le monde, c'est clairement dit, les magouilles et les jeux stratégiques commencent, c'est faire le travail des politiciens gratuitement.

 

Tu es un peu dur non, c'est que des histoires de mecs, non, pas du tout, ce n'est pas le monde que je souhaite promouvoir, je ne veux pas qu'il y ait de rapport de domination et de dépendance, je ne veux pas apporter ma caution à cela, au soixante-sept, j'ai des copains et je passe voir mes copains.


Pour le reste, il y a la réunion hebdomadaire du samedi et la permanence ouverte pendant le marché du dimanche, mais les histoires du soixante-sept, ne comptez pas sur moi, je ne veux pas être mêlé à quelque chose que je n'ai pas voulu, moi, les gens sont logés, la lutte commence, c'est bon.

 

Alors tu vas ouvrir où, il y a un garage dans le quinzième arrondissement, c'est Rocky Volcano, tu sais le mécano, ah ouais comment il va lui, ben il est là, je viens de le voir, il veut faire une sorte de garage autogéré, il y a une maison derrière, il faudrait qu'on soit un ou deux de plus.

 

J'ai vu Jean-Philippe la semaine dernière, il a dormi au soixante-sept, il repartait en Mayenne, mais il revient s'installer sur Paris, son gîte d'étape n'avance pas,  ah ouais, mais on s'entends bien, faut que je le voie, pourquoi pas, il devait habiter avec nous à U.S.I.N.E, ça n'a pas été possible.

 

Dominique Premier ne pu retenir un joyeux, et allez on prends les mêmes et on recommence, vive la bière et la révolution, l'aventure c'est l'aventure, tu me manques, je te manquerais toute ta vie, dés ta naissance je t'ai manqué, qu'aurions nous vécu, j'aurais fait le pet en apprenant mes leçons.

 

Je n'aurais peut-être pas pris les mêmes décisions, et nous aurions fini par nous ennuyer, par rêver de se faire disparaître, je ne me serais pas lassé de toi, petit prétentieux, tu aurais su tous mes secrets, tu aurais perçu tous mes mensonges, tu te vois invité dans une soirée mondaine, moi non toi oui.

 

Reine tourna la tête comme un tournesol pour suivre l'axe du soleil, les demis étaient presque finis, tu es souvent rêveur Arthur, oui, tu écris un chapitre, il y a de cela, tu as tiré sur le pétard, non, pas depuis ma sortie, on va s'en faire un au soixante-sept, ouais, je reviendrais après.

 

Ils se levèrent pour poursuivre leur connivence dérivante, ils savaient qu'ils ne seraient pas amants, Dominique Premier sourit tristement, Arthur oublies moi, tu sais que je ne reviendrais pas pour toi, secoues toi, trouves en une pour toi, elle ne pourra jamais te remplacer, ne lui dit rien.


Reine alors se fit chaleureuse avec Arthur, il avait vécu sa première aventure anoblissante à ses yeux, non pas que le vol ou la casse soient des actes héroïques, mais dans le dépassement de son être, il venait d'affronter les grandes forces de contrôle de la société, il devenait un guerrier.

 

Il prenait de l'assurance, elle était le témoin quotidien de la place prépondérante qu'il prenait dans ces prémisses de lutte, les chevaliers ivres avaient bien évolué depuis leur bar sauvage, Arthur tenait le route et commençait à avoir de l'influence, son caractère de boute-en-train sans doute.

 

Dis-moi Arthur, vous recherchez toujours des immeubles à occuper, j'ai un copain, un vrai poète celui-là, Albert, il est gardien d'un immeuble pour empêcher le squat, et il connaît plein d'immeubles vides, il m'en a montré un pas loin d'ici sur le boulevard, viens, je te montre.

 

Arthur la suivit, elle le retrouvait, il était un peu ahuri, mais après deux mois de placard, il y avait de quoi être à côté de ses pompes, elle se souvenait bien quand un de ses frères sortait de prison, comment ils étaient pendant quelques jours, à flotter dans l'ivresse de moments ordinaires.

 

Ils marchèrent un moment en direction de l'immeuble convoité, Reine était heureuse, elle allait rendre service à son chevalier préféré, tu vois, c'est là, bon nous allons nous arrêter sur le banc, et nous allons papoter, le temps de bien tout observer, les entrées possibles, les risques d'être vu, s'il est bien vide.

 

Arthur commençait à connaître toutes les ficelles permettant à tous de dormir au chaud pendant un temps plus ou moins long lié à la vélocité relative des propriétaires pour obtenir l'expulsion et la volonté plus ou moins forte des autorités à exécuter le jugement d'expulsion.

 

Il y avait encore beaucoup de militants de ce mode de vie, habiter les immeubles, appartements et maisons vides et délaissées par leurs propriétaires, quoi de plus naturel, cela se passait même de justification, le besoin créait la fonction, et Arthur était un très bon squatteur.

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