Mortes amours
La question du logement à un certain moment de crise traverse toutes les barrières idéologiques, elle peut réunir des mouvements chrétiens, de défense du quartier, des communistes, des syndicalistes, des militants d’extrême gauche, dans ces luttes il y aura souvent des convergences comme celle ci.
Mais ils n'ont pas tous les mêmes intérêts immédiat, c’est à ce moment que va se créer les levains d’un mouvement plus structuré de mal-logés, beaucoup de familles et personnes sans logis, victimes du climat spéculatif vont passer dans l’espoir de trouver une place, et il n'y en a plus.
En Décembre 1986, la ville de Paris avait mené ses opérations tambour battant, expulsé sans ménagement les habitants précaires, sous locataires, locataires de meublés, occupants sans titre, et relogé le moins possible à Paris, mais sur Saint-Denis, la Courneuve, dans le patrimoine HLM.
Elle les renvoie toujours sur la banlieue, ce qui provoque bien sûr l’exaspération des maires de municipalités, on est alors dans cette période de montée du racisme et de la xénophobie en France, instrumenté par les autorités du parti socialiste dans un démentiel calcul de stratégie électorale.
Dans la foulée de l'occupation du 67 rue des Vignoles un mouvement plus large se construit sur le 20ème arrondissement pour l’ensemble des sinistrés, soutenu par le mouvement associatif, très dense dans le 20e, une nouvelle ouverture s'avère nécessaire, fuite en avant n'est pas solution.
Dans le mois de l'ouverture, la question essentielle de toutes les luttes depuis l'aube des mouvements ouvriers se pose avec acuité, qui commande, qui suit? Les associatifs créent vite une structure d'encadrement et de gestion de dossiers de familles, ils n'entendent parler que de sinistrés.
Aussitôt l'association montée, Arthur siégeait à son pompeux conseil d'administration, qu'elle se vide de tout militant et devient rapidement un porte nom permettant au responsable culturel de signer ses interventions sans rendre de comptes à quiconque, tampon à l'appui.
Les Gens Bons du quartier, très investis dans le tissu associatif si dense de l'arrondissement, subitement hurlent à la manipulation et au débordement, des radicaux poussent les familles sinistrées dans l'illégalité et les envoient au casse-pipe, le parti socialiste tient bien ses troupes.
Certaines manifestations réclamant exclusivement le relogement des sinistrés, listés, orthographiés et isolés des autres pauvres, étaient appelées par un luxe foisonnant d'organisations, de partis, de syndicats, d'associations, et réunissaient péniblement devant la Mairie une dizaine de personnes.
Alors Arthur et ses compagnons listaient eux les immeubles vides du quartier, il fallait agir vite, l'hiver était rigoureux, et il fallait désencombrer le Premier immeuble afin de rendre une certaine tranquillité de vie à ses habitants, pendant trois mois l'effervescence fut joyeuse.
Trois nouveaux immeubles furent ouverts, et les sinistrés relogés par la force de l'action directe, les compagnons autonomes s'en chargeaient, pour enrayer ce mouvement la préfecture trouva l'ingéniosité de briser les cercles vicieux des dossiers, elle commença à reloger exclusivement les sinistrés.
Chaque sinistré libérant un appartement squatté laissait sa place à un autre pauvre dans le souci, les immeubles squattés s'affichaient au grand jour et complets, ils attiraient tous de plus en plus de passage et de désirs d'imitations, le squat redevenait une valeur populaire et utile.
Dominique Premier elle même s'inquiétait de l'ampleur du phénomène, vous allez vous faire casser la gueule, oui mais au moins on saura pourquoi, et puis toutes ces injustices, c'est au delà du supportable, cela fait six ans que le paradis sur terre a été voté, et le seul gagnant du moment est borgne.
D'où te vient donc cette hargne, elle me vient du manque que j'ai de toi, elle ma vient du plein que j'ai de toi, tu es loin et si près, tu vogues sur l'océan et te prépares à mentir ta vie, tu brûles ma lettre, je n'en peux plus, personne jamais ne te remplacera, il faut bien que je vive, cesses-là.
Je ne peux, jusqu'aux univers voisins, bien au delà le mur de Planck, quelque chose de toi est de moi, a empli les espaces jusqu'à leurs derniers vides les mieux cachés, même après des milliards de big-bang, dans tous les univers inconnus quelque chose de moi est de toi, après les éternités.
Que ne le disais-tu, je te l'écrivais, j'étais jeune, je ne savais ce que je ne savais pas, dans dix ans, dans vingt ans tu auras mari et enfants, et tu seras en moi, et je serais en toi, je suis le seul dans lequel tu ne mens pas, tu es la seule à tout savoir, depuis avant le temps, depuis rien et tout, je vois.
Ma mémoire atteint des cibles lointaines, les plaies de l’enfance et de l’adolescence, je suis prêt à ne rien t'imposer, jamais ne me rapprocherai, jamais ne te reprochera, les choix découlent des structures que nous vivons, il te faudra beaucoup mentir pour aimer, soignes bien tes amants.
Tu as bien brûlé ma lettre, je l'avais tellement lue, je la connais par cœur, elle était maladroite, soyons frère et sœur, je t'ai menti, je l'ai toujours su, je ne pouvais être dans ton monde, je ne pouvais sortir de mon monde, soyons bons amis, nous ne nous reverrons plus, oui mais je vivrai plusieurs vies.
Et Reine, tu en finirais presque par oublier Reine, Reine ne sera jamais pour moi, elle ne sera jamais en moi, elle ne sera jamais moi, elle ne sera jamais avec moi, elle ne sera jamais contre moi, bon mais alors Arthur, pourquoi, pourquoi aimer, allons l'attrait est plaisant, le plaisir est amical, non?
Si tu y trouves ton compte, je suis bien souvent seul, trouves en toi une, une seule suffit, oui, je n'ai plus besoin d'aimer, je suis guéri de tout, mais l'attraction, mais la décharge d'adrénaline, tu deviens camé attention, je survivrai, j'ai déjà survécu, il y avait Pierre Selos à chaque fois, ce n'est plus utile.
Reine venait de voir passer Arthur dans la rue donnant en dessous des fenêtres du petit deux pièces où elle trônait aux premières loges des manipulations du militant culturel cherchant difficilement à se faire passer pour responsable des opérations, il avait cette allure empressée, son plus beau chevalier.