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Publié par Christian Hivert

Adorable mytho
 

Claquant des mains et trémoussant le bassin, ils étaient ivres, ces princes du désert déracinés. Et son sens de la prudence le faisait s’inquiéter. D’autant que la jeune fille en question était une petite-fille des montagnes de Kabylie, tout comme lui en était un petit-fils, il faut s’entraider !

On la voyait plus souvent en compagnie de roumis à mauvaise réputation. Jamais à la recherche du parti honorable. Toute jeune fille de bonne famille devrait avoir à cœur de s’en trouver ? Il n’en était pas certain, cette évolution de société n’allait pas dans une bonne direction.

Mais Allah choisit ses prophètes et ils font entendre leur voix. En tant qu’individu, si ça ne foutait pas la merde dans ses affaires, ce n’était pas son histoire. Maktoub ! Inch’Allah ! C’est la vie ! Kahina se débrouillait bien.

—Et à part écrire des poèmes ? Tu fais quoi d’autre ?

—Je cherche à vivre en conservant la liberté de mon temps ! (Elle sourit, lui aussi) Pour le moment, j’ai trouvé un plan avec un propriétaire d’immeuble vide, il m’autorise à occuper un appartement et je le préviens si des squatters s’installent.

—Ah, t’es gardien, vigile quoi ?

—On peut dire ça comme ça, concierge du néant, gardien des murs murés.

—Tentative, modeste embryon, et vous ?

—Mais c’est amusant qu’on se rencontre comme ça, justement avec ma sœur Nora, on se disait qu’il y avait plein de poètes, de musiciens, écrivains. Des artistes cachés, partout dans nos villes, on faisait l’édito du numéro zéro de notre journal en disant, si vous ne venez pas maintenant, nous nous rencontrerons par hasard, pourquoi attendre, et maintenant tu viens me parler, toi, un poète.

—C’est magique ! Elle aimait les candides.

—Ouais, ben moi, c’est un peu comme toi, j’essaie de ne pas me faire voler mon temps, et puis là, avec ma sœur, on monte une association pour la découverte des artistes inconnus et on prépare le lancement de notre journal, on espère en vivre.

—Un journal, c’est un sacré boulot, dites donc ?

—Assez, ouais, heureusement ma sœur travaille dans un atelier de photocomposition et on peut utiliser leur matériel en dehors des heures d’ouverture, on y va travailler la nuit sur le journal, ça économise des frais.

—Ah, piratage des moyens, bien, excellent !

—Eh ! Oui ! Au départ on n’a pas d’argent pour faire ça, tout ce qu’on gagne, on le fout pour boucler les frais d’imprimerie, même en faisant la moitié du travail nous-mêmes, il nous reste quand même dix mille francs à trouver.

  • Ça fait une somme, mais ça reste tout à fait trouvable !

Jusqu’à ce qu’ils se retrouvent, sa turgescence à lui plongée dans la chaude intimité de son ventre à elle, ils eurent entre eux plusieurs heures de discussion animée et de promenade. Et elle désira à l’orée du soir visiter sa loge. Elle mit la main sur son sexe durci. Elle faisait tout.

Il lui faisait l’éloge de la qualité amoureuse des témoignages épistolaires de tel grand écrivain. Elle lui ferma la bouche d’une langue fureteuse et empressée de montrer d’autres talents dignes de son éloquence. Elle le poussa sur le matelas garni de couvertures SNCF. Elle était nue.

Elle lui baissa aussi son pantalon et le dirigea de deux doigts au-devant de son sexe mouillé. Puis, les cuisses entourant son bassin, elle l’encouragea enfin à pistonner sans relâche. En elle, elle l’imagina puceau. Quelle merveille, quels délices ! Il n’osait pas encore la prendre.

Elle les prenait, les mettait, non pas eux, la part d’eux la plus utile lorsqu’ils se taisent, la plus utile pour la combler de jouissance. Elle n’aimait que le va-et-vient hésitant et empressé, va-et-vient jusqu’à la folie angoissé et rassuré, va-et-vient infini, savoureux et rude, labourant.

Glissant et retenu, va-et-vient pilonnant, musclé et attentif, elle râlait, criait, incessant va- et-vient. Le meilleur d’eux-mêmes. En général, après, il fallait les chasser avant de les rendre fiers et sans leur autoriser de droits sur la viande. Elle ramassait ses dentelles. Elle s’essuyait.

Il s’était séparé d’elle depuis un moment déjà, avait lentement glissé de la position du missionnaire triomphant à celle du chien couché dormant. Telle est la vie, se dit-elle ! Se faire mettre, puis parvenir à se faire oublier avant qu’ils ne se réveillen ! Et s’esquiver sans regrets.

Il lui suffisait de se dégager du lit, souple et féline, d’enfiler ses vêtements en silence et de tracer. En leur laissant un joli rêve au creux des reins. Emmenant leur semence perlant entre ses cuisses. C’était un échange correct et sain en toute espèce de mesure, ses mesures apaisées.

Du moins le comprenait-elle ainsi. Le monde en général était moins compréhensif. La plupart des humains mâles vindicativement contrariés. S’ils avaient obtenu le privilège de l’intimité et de la pudeur, si ça leur avait plu, ils réclamaient le corps entier, pas le sien.

La jouissance du corps à demeure pour toujours ! Cette fois-ci, elle n’eut aucune envie de disparaître ainsi. Albert non seulement ne ronflait pas à ses côtés. Il semblait, peut-on jamais en être sûr, ne pas avoir de prétention à disposer de plus qu’il ne pouvait à l’instant consommer.

Il lui mit doucement la main sur l’épaule.

—T’es belle tu sais !

—Je sais, tout le monde est beau, cela dépend !

—J’ai un peu d’argent en ce moment, on va manger un morceau chez un tutu

—Ah! Ouais ! Il est quelle heure ?

—7 heures et demie.

La nuit tombait sur leur désir nu.

—Il faut que j’aille rejoindre ma sœur, on doit bosser sur le journal, ce soir.

—Bon, vous allez bien manger quelque part ? Je vous invite toutes les deux !

—Faut voir, t’as qu’à venir avec moi, j’habite pas loin, avant le Père-Lachaise !

—Bien sûr, parfait ! il aimait cette liberté.

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