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Publié par Christian Hivert

trous du cul de l'empire

Faut-il tant dissimuler pour n'obtenir enfin qu'une parcelle de réalité, une bribe de relation vraie, un reste d'humanité ? Certes le jeu est attirant ! Mais alors, qui décide de quoi ? Les choix de l'action étant clandestins, quel débat peut-il y avoir sur les enjeux de cette vie souterraine, inavoué.

 

Quels bénéfices retirer d'une opération faisant encore une fois évoluer les modes de vie de milliers de gens sans leur demander le moins du monde leur consentement, les faisant collaborer malgré eux et à leur corps défendant au grand projet défini par une poignée de personnes ayant du mal à débattre entre elles, étant donné leur éloignement et leur isolement les uns des autres.

 

Avec la légitimité de construire le bien commun, au nom de tous ? Tel un processus ! Et c'est là qu'il fallait rester prudent en ne s'éloignant jamais d'une certaine forme d'humilité pour ne pas dire une soumission devant la fatalité de la course de la vie, déterminés, que nous sommes par les combinaisons multiples et hasardeuses des choses existantes, antérieures à notre venue au monde.

 

Lorsque le doute se ramenait ainsi avec sa gueule de professeur de morale, il se laissait aller à son instinct, s'en remettait au hasard pur, aurait pu prendre une décision importante sans en référer à quiconque ni à son jugement personnel uniquement sur le lancer d'une pièce et le hasard de sa retombée.

 

Il se mêla alors aux ripailleurs et devenait plus réceptif et attentif à leurs réparties qui filaient drues. Le jeu devint le centre de son esprit et toutes ses activités mentales et corporelles seraient dirigées par la volonté de vaincre.

 

Il allait devenir une véritable machine bien entraînée avec la détermination en plus. Une jeune fille vint s'intéresser à lui. Il la laissa passer son champs de vision et elle le rejoignit à table de son côté vers la gauche. La discussion allait tourner autour des bannis pour sûr. A lui de se montrer hilarant afin de leur montrer quel genre de banni il était. Pas sérieux et individualiste, il ne fallait pas qu'ils voient autre chose.

 

La conversation avec son fils l'avait rendu nerveux. Il allait se confier à son régulateur consensuel par l'intermédiaire de son clavier puis il irait s'immerger quelques dizaines de minutes dans le caisson sensoriel de décompression nerveuse.

 

Tout irait bien, il s'installa dans le fauteuil disposé au milieu de l'habitacle en forme de dôme transparent, derrière les consoles de commande. Il pensait qu'il pourrait être serein un jour. Le compte à rebours clignotait et les pompes bourdonnaient déjà. 

 

Les compagnies ne leur refusait aucun élément technologique existant pour leur permettre de se sentir dans la meilleure des formes possibles, rien ne devait être économisé pour leurs désirs et leurs plaisirs.

 

Vu l'hyperperformance que l'on réclamait d'eux chaque jour, rien n'était laissé au hasard quand à leur épanouissement mental et physique. Un chercheur ne cherche bien que stimulé par sa libido et tous ses fantasmes les plus heureux.

 

Il leur fallait donc les choyer au maximum. L'homme ne développe sa créativité que dans la béatitude. Des expériences de la fin de l'autre siècle, où des savants expérimentaient pour eux mêmes les variations qu'une branlette ou une pipe faisaient subir à leurs capacités à résoudre une équation, avaient obtenu des résultats encourageants qui avaient permit de faire progresser considérablement le mécanisme plaisir-découverte.

 

Depuis bien longtemps on était sorti de l'archaïsme des premiers procédés et la technique s'était largement améliorée. C'était en effet désormais bien plus complet et épanouissant qu'une branlette.

 

 

Trois étages plus haut, dans les parties administratives des labos, plus exactement : dans le bureau du responsable principal de la mission, une miniconférence impromptue se tenait et les avis étaient partagés :

 

"Sa fidélité envers nous ne peut être mise en cause, son désir d'arriver à s'asseoir dans le fauteuil est la meilleure motivation qui soit, il ne peut prendre le moindre risque !".

"Oui, mais le fils ne prendra-t-il pas plus d'importance ?",

 

"Mais non vous faites fausse route mon cher, il n'y est pas attaché du tout, si ce n'est d'une manière purement formelle, parce qu'il fait ou pourrait faire partie de la panoplie de la respectabilité".

 

"N'est-ce pas là le danger, justement, sa loyauté ira-t-elle jusqu'à démasquer ce qui doit l'être?".

 

"Doit-on l'éprouver ?".

 

"Cela risque de compromettre le programme de descente, mettons le seulement sous surveillance étroite, il ne pourra rien nous cacher ! C'est sans danger !".

 

"Je suis désolé, je suis obligé d'étudier toutes les possibilités, mais je peux me contenter d'une simple séance de simulateur radionique".

 

"Soit, mais ménagez son équilibre, nous ne pouvons nous permettre de perdre cet élément en ce moment, cela mettrait trop de choses en question, vous comprenez !".

 

Un voyant mauve clignota sur le bureau, le responsable appuya sur une touche et un texte apparut sur l'unique écran-tableau de la pièce.

 

"Tenez, regardez, il confie toute l'histoire à son clavier, vous voyez bien !".

 

"Ce peut-être au contraire une bonne manière de se dédouaner, très finement calculé !".

 

"Oh ! Allez au diable ! Faites comme bon vous semble, je m'en lave les mains, me bousillez pas ce gars là... Allez, c'est bon, on se tient au courant, foutez moi la paix maintenant !"

 

Et les deux hommes l'un du renseignement, l'autre de la sécurité, sortirent.

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