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Publié par Christian Hivert

Photo 34

Arthur se perdait dans des dédales de réflexions dont il ne retrouvait jamais les fils et sa pensée alors restait en plan, parfois il ne savait vraiment plus quoi répondre à cette Dominique obsédante, tant que l'injustice demeure on ne peut que renforcer leur pouvoir, il détiennent tous les outils de production.

 

C'est comme cela Arthur, et j'ai choisi un autre chemin que le tien, un tout autre chemin, et je ne veux pas me rappeler le chemin que je n'ai pas pris, c'était une déchirure, un choix atroce, j'avais l'impression de te sacrifier à des forces obscures et effrayantes, j'ai trahi mes idéaux, me suis résignée.

 

Sommes nous donc si différents que cela Dominique, pourquoi cette barrière, cette muraille imaginaire, ce blindage, de quoi as tu peur, la petite fille ne sortira donc jamais du placard, ne verra donc jamais le monde tel qu'il est, quitter un trottoir, monter dans un avion, reprendre un trottoir.

 

Et toutes les villes se ressemblent, et le monde n'est plus qu'un grand village, je me réveille à New York, prend mon déjeuner à Paris et m'endors à Istanbul, les villes et les gens ne sont plus qu'un décors ou un terrain d'attraction, je rencontre tous ceux qui font le monde tel qu'il est, c'est enivrant.

 

Arthur ne pouvait pas lutter contre cela, avec ses punks avachis et ivres de bières et ses familles immigrées en voie d'expulsion, il n'avait pas la donne gagnante, quelle pouvait être donc cet attrait pervers pour la puissance, toutes les puissances se construisaient sur les ruines et les massacres fumants?

 

Il n'aurait pas pu, Dominique avait bien fait de le rejeter, il lui aurait gâché toutes ses joies d'apparaître au banquet des puissants, il n'arrivait pas à s'y faire, nier sa capacité à s'émouvoir des malheurs d'autrui l'estomaquait, et pourtant il savait bien que Dominique Premier n'était pas la seule, loin de là.

 

Alors il se dressait vaillant et malheureux mais fier et brave sur le pont de son navire U.S.I.N.E., prêts aux combats héroïques de toutes les causes perdues, au cœur de la légende en marche, à la rencontre de toutes les bonnes volontés, de tous les rêveurs de justice, de tous les chevaliers.


Des réunions mouvementées, des après-midi d'information sur des luttes, des participations à des manifestations, des actions antifascistes, des soutiens à des luttes ouvrières et des activités artistiques en lien avec une contestation sociale partaient de là, un nouveau monde se préparait.

 

Le lieu était empli de vocifération, d'effervescence, de brouhaha et d'activistes les plus variés, pas moins de plusieurs dizaines de personnes hétéroclites y passaient quotidiennement, elles n'étaient pas toujours d'une grande efficacité, certaines étaient des boulets, Arthur le regrettait.

 

Malgré l'ouverture du lieu, trop ouvert, cela pulsait bien au delà de ce que pouvait imaginer Arthur, tout englué dans la gestion quotidienne de comportements psychotiques et la vision désastreuse du spectacle permanent d'égos surdimensionnés raptant l'attention de tous.

 

Trop d'adolescents en rupture venaient y consommer de la bière en délirant à plein tube, pour les plus créatifs, armés de leur feutre maculant les murs, blancs à l'origine, de commentaires d'une hauteur culturelle douteuse et de dessins à l'humour très glacialement fluide, souvent nuls.

 

Au point que les personnes qu'Arthur trouvait intéressantes se faisaient submerger par la cohue désordonnée des jeunes passant leur temps à s'embrouiller les uns les autres autour des commentaires sur la validité de leurs messages griffonnés, surchargés, raturés, répondus, devenus laids.

 

La portée édifiante de "Un bon flic est un flic mort", ou de "Nathalie je t'aime, A.D.", ou "Veuillez laisser l'état dans les W.C. où vous l'avez trouvé" échappait à Arthur et un fossé grandissant se creusait entre les militants les plus âgés et ceux qui se donnaient le nom de Raïa des Halles.

 

Il n'avait jamais été possible de se séparer de cette zone de jeunes ayant momentanément délaissé leur fréquentation du trou commercial du centre de Paris pour les délires déstructurés et inconstructifs les faisant vibrer à U.S.I.N.E., il avait fallu faire avec ces nombreux personnages forts.


Ils étaient haut en couleur, velléitaires et légèrement caïds, suivis de bandes de jeunes paumés, drogués et alcooliques, inactifs et désoeuvrés à qui ils donnaient le spectacle permanent, rejoué et sur-joué, de leur ancienne bravoure ou de leurs morceaux anthologiques de rebellions diverses.

 

Tout cela donnait l'impression d'un gigantesque foutoir à l'intérieur duquel il fallait continuellement slalomer pour pouvoir pousser ou suivre un projet quelconque, tout semblait éphémère, chaque décision collective remise en cause à la seconde par l'ébullition spontanée de ces caïds.

 

Jusqu'à ce que l'on ne tienne plus compte de l'avis claironné de ces uluberlus inconsistants et inconstants, passionnés et suivis de leur petite bande, et que l'on finisse par se dire que les décisions appartenaient à ceux qui les mettaient en œuvre, un mouvement double se mettait en place.

 

Les actifs se cooptaient entre eux, montaient leurs projets vaille que vaille tandis que l'assemblée générale permanente se bourrait la gueule, défoncée aux produits pharmaceutiques et à la colle à fort solvant, braillait, revancharde, n'ayant comme projet régulier que son ravitaillement en bières.

 

C'était d'ailleurs la seule denrée consommable qui ne fut pas fournie par la Banque Alimentaire, Arthur traînait, se réfugiait au deuxième étage, fatigué, hésitant à retourner se plonger dans la fournaise, dont on percevait les hurlements frénétiques, au travers du plancher de bois.

 

Arthur n'était pas suffisamment sorti de Montreuil et du squat, il avait coupé les ponts avec ceux du dix-huitième, avec la rue des Vignoles, Jean-Pierre était mort et Marylou l'avait suivi de peu, Julio avait disparu et le local avait été cédé par Narco à des réfugiés politiques haïtiens.

 

Pour s'aérer, il se rendait à pied parfois chez Marcel, passé du poste de coursier à rédacteur à l'Huma, par voie de concours et de stage interne, ou chez les militants du collectif anti-fasciste de Montreuil où il était cordialement reçu, mais ce-jour-là il était fatigué, il traînait au deuxième étage.

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