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Publié par Christian Hivert

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Arthur ne sut jamais compter le nombre de cuites et de dérives absurdes menées ensemble, ils se plaisaient, goûtaient à se retrouver, réunionnaient ivres d'aventures combattantes, de manifestations jouissives et d'irrépressibles révoltes, ils étaient frères de destin, compagnons de route.

 

Arthur s'attabla et mit rapidement fin à leur différence d'alcoolémie, cela les rendait euphoriques, proche du vrai, débridés comme jamais, les nuits étaient invincibles et les matins peu glorieux, Arthur vivait là son défouloir personnel, et échangeait les informations les plus propices à faire fonctionner les luttes.

 

Lorsque le tumulte prit fin, les joyeux convives partirent se reposer dans leurs repères, sauf deux possédant une voiture en état de rouler, Arthur finit avec eux d'écluser quelques bières superflues, puis ils eurent envie de se dégourdir les jambes, je peux venir avec vous, bien sûr Arthur.

 

A la première virée deux vitrines sautèrent en éclats brillants dans la nuit, Arthur n'aimait pas trop ce procédé, il préférait les attentions douces par les gouttières et les toits sous les étoiles, mais il était avec ses potes, il les suivit par amitié et pour apprendre quelque chose de nouveau.

 

Ils revinrent orgueilleusement satisfaits du butin, les bouteilles d'alcool voisinaient avec les biscuits empaquetés et les bouteilles de vins étaient des plus fines, ils burent encore, leur voisinage avec toute conscience était des plus faibles, ils étaient glorieux, victorieux, et sans morale, enfin.

 

Ils n'auraient jamais du repartir, mais l'euphorie fais pousser les ailes comme l'amour, on devient fou, on devient dithyrambique, on devient prolixe, les niveaux de compréhension ordinaire on fait déplacé tous les curseurs au rouge, il n'y a plus qu'a accomplir son destin.

 

Dans une petite rue de Montreuil, les occupants d'un car de police faisant négligemment leur ronde eurent le temps d'observer sereinement leurs efforts désespérés pour venir à bout d'une porte vitrée de restaurant chinois, ils attendirent qu'ils ressortent avec leur trois bouteilles de Get 27.


L'opération d'arrestation eut lieu comme dans les meilleures séries américaines, de celles où l'on a l'impression de vivre dans un commissariat, c'était du bon et du grand flag, la nuit serait plus longue que prévue et le dégrisement du matin moins agréable, sous mandat de dépôt et déférés.

 

Vingt quatre heure plus tard, ils arrivèrent en prison en ordre dispersé, à Fleury-Mérogis, ce sont les premières heures, lorsque l'on ne sait pas encore le temps qui s'écoulera, qui sont les plus dures, suivies par d'autres qui les font paraître plus douces, au bout de l'attente l'humiliation générale.  

 

Les  longueurs des minutes lorsqu'elles s'accumulent péniblement les unes aux autres pour former des heures, et des heures entières où l'on attend le plus patiemment possible l'arrivée d'un nouveau jour qui s'amoncellera aux jours passés, dans l'espérance interminable d'un jour prochain

 

Le premier jour est le jour indigne de l'humiliation ultime, comme un singe de pleine jungle il s'agit de montrer son anus aux surveillants de la détention en signe de soumission, cette mesure n'a rien à voir avec la moindre volonté de sécurité puisque le détenu récalcitrant sera tabassé.

 

Dominique Premier détourna pudiquement son regard mais ajouta, jolies petites fesses, on écarte bien les jambes et on tousse, voilà mon bébé c'est bien comme ça, t'as pas eu peur, ton anus est bien rond, le surveillant en a vu plein d'autre, tu as le droit maintenant de te la fermer, vive l'Amérique.

 

Les jeunes filles de bonne famille promises aux plus hautes études devraient effectuer un stage particulier dans les conditions de vie les plus désastreuses portées par l'époque de leur vie, elle sauraient alors véritablement ce à quoi elles échappent, ne fantasmeraient plus sur la misère.

 

Tu vois cela comme cela Arthur, tu n'es jamais rentrée dans un commissariat, je veux dire vraiment rentrée, dans les recoins les plus sombres, où cela sent la pisse et la sueur, où l'on entend hurler parfois, des chocs sourds et des cris, Arthur, les fées se sont penchées sur mon berceau, je ne sais pas.


Arthur fréquentait assidûment les commissariats parisiens et montreuillois depuis quelques années, le recours à la garde à vue des marginaux et autre habitants des quartiers en difficulté était pratique courante passée une certaine heure de la nuit, et nul couvre-feu officiel n'était établi.

 

Ordinairement Arthur ressortait dès le lendemain en fin de matinée, mais cette fois ci ce fut un grand et beau flagrant délit, il ne ressortit que deux mois plus tard, Quand même Arthur, tout cela pour un fond de tiroir caisse et trois bouteilles d'alcool, tu ne peux comprendre, c'est pas cela.

 

L'esprit d'Arthur s'était vidé, ses tempes cognaient dans le vide, il était saoul, ils s'étaient fait prendre comme des novices, de parfaits petits couillons propres à faire croitre les chiffres de l'insécurité, non Dominique, n'ajoute rien, je ne suis pas fier, je ne revendique pas cela, laisse tomber.

 

Mais vois tu Dominique, un jour j'écrirai cela, il faut bien explorer le vivant dans toutes ses dimensions pour pouvoir parfaitement en rendre compte, ben voyons, tu t'es fait entrainer sans opposer la moindre résistance morale, tu deviens voyou, puisque tu ne m'aime pas, je sers à quoi?

 

Arthur eut beaucoup de temps pour réfléchir et méditer, un jour en prison n'est pas un jour ordinaire, c'est un jour très long, suivi par un autre jour encore plus long, et puis par un autre encore, et ainsi de suite, mais Arthur avait tant attendu ce qui n'était jamais venu, figé, assis ou allongé.

 

Durant ces deux mois, il n'eut plus de remord à ne pas pouvoir bouger, à ne pas pouvoir agir, durant de longues heures hébété, il était en prison et ne pouvait mieux, il eut quelques parloirs avocat et quelques lettres le rappelant au monde des vivants qui comptent encore, et l'ennui.

 

Vois tu Dominique, je sais que je ne pouvais figurer une seule seconde dans le monde vers lequel tu te diriges, couronné de ton amour je me serais détourné de certains chemins, et bien, ce que je vis m'aurait manqué, sans doute autant que tu me manques, puisque ma vie est un manque.

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