Sciences et conscience. Les limites de l'informatique.
L'ordinateur est-il capable de comprendre un texte ? L'être humain est-il vraiment stupide face à la machine ?
Remarque d'un utilisateur de l'informatique plutôt fanatique et stupide (juin 2003) :
"...L'ordinateur , a l'avantage sur l'humain de l'exaustivité, et de la puissance de calcul. C'est indispensable pour traiter les vastes corpus de connaissances. Les logiciels d'aide a l'analyse des discours sont puissants ils permettent d'exploiter le contenu d'un texte, et d'éliminer la subjectivité de l'homme. Les progrès de l'informatique sont maintenant décisif. Les discours sont de plus en plus facile à analyser. L'homme peut être dans l'interprétation alors que l'ordinateur arrive à analyser infiniment plus vite..."Ma réponse :
Mel Vadeker, juin 2003
A vous lire, on dirait que vous divinisez la machine, vous vénérez sa puissance mais vous ignorez complètement ce qu'il se passe au niveau du fonctionnement de l'esprit humain. Vous parlez donc de choses dont vous ignorez tout. C'est dommage de vous emportez comme cela et de croire que vous possédez la science infuse.
Vous pouvez utiliser autant de fois que vous le voulez des analyseurs lexicaux et syntaxiques, travailler sur le thesaurus en construisant des tables d'index pour décortiquer un document . Mais n’oubliez pas que ce travail sur le sens émerge par la construction d'un graphe de relations, d’un hypertexte qui constitue alors un lexique propre au contexte. L'hypertexte que l'on construit représente le métalangage, voir avec cet exemple :
hypertexte sur le champ lexical du mot réseau
Il y a une chose qu'il est absurde de considérer : le sens d'un texte n'est pas immanent au corpus, il révèle de ce qu'on appelle l'indexicalité (le sens est indexé au contexte). Il est en effet nécessaire à chaque fois, de construire les corrélations, en termes de références, aux différents contextes. Dans la découverte d'un texte il y a toujours un contenu latent ou implicite qui va de soi chez le lecteur car il appartient au raisonnement de sens commun, c'est quelque chose d’évident chez l’être humain mais pas chez la machine.
L'indexicalité intervient tout le temps dans les différents corpus de connaissances produit par l’homme et c'est la conscience critique qui fait les corrections, cette dérive du langage est renégociée en permanence par le lecteur. Il s'agit alors d'un calcul inconscient qui révèlent du fonctionnement de l'esprit : l'esprit ne sait pas comment il fonctionne, il croit que le sens est manifeste alors que c'est tout le contraire. La démonstration de ce constat est définitif. Cela remonte à un ancien débat entre logiciens et linguistes dans les années 50, cela remonte à loin. On peut voir ce débat nourrir le champ de différentes disciplines, divers courants de recherches et en particulier les ethnométhodologies et des sciences cognitives qui partageant des axiomes en commun ont démontré cela de façon définitive.
Voir les références aux travaux du logicien Bar Hilel et les défaites successives des grammaires génératives universelles de Chomsky. Dans la plupart des cas, les chercheurs sérieux travaillent sur des grammaires génératives locales seuls quelques irréductibles pensent comme vous et n'ont pas encore compris qu'on ne pouvait dissocier l'intentionnalité à l'analyse d'un texte, c'est l'influence de subjectivité chez le lecteur qui lui donne à reconstruire le sens par le jeux des perceptions. On utilise d’ailleurs ces résultats en traductologie, en bibliométrie, en informatique linguistique et la liste n’est pas exhaustive.
C'est dommage que l'utilisateur de l'informatique que vous êtes, passe complètement à coté de ce point crucial en épistémologie. Cette controverse sur le langage n'existe plus, les grammaires génératives universelles sont mortes définitivement. Il faut travailler au niveau local au niveau de l’émergence du sens dans l'interaction entre un observateur, le support de l'information et l'objet que l'on désire étudier phenomenologiquement (i.e. l'intention de l'auteur et du lecteur occasionnel).
La compréhension des mécanismes de la subjectivité et de l'intentionnalité font partie des recherches les plus poussées en I.A. y compris en linguistique ou la construction du langage obéit à des règles empiriques sous-jacentes aux différents contextes. C'est dans ces unités de sens representées par la contextualité que se concrétise cette pragmatique de la communication et cette dépendance des différentes phénoménologies de la perception.
Quelques points à retenir :
1/ Un mot en lui-même ne dit rien, il faut construire une relation de dépendance entre le contexte et l'observateur qui évalue ses relations mot/contexte/interpretation
2/ Ceux qui utilisent des outils linguistiques sans penser à cela sont victime d'une illusion technologique qui les éloigne des richesses de la construction du langage. Dans ce cas je dirais qu'ils sont stupides car il porte à la machinerie informatique une puissance d'analyse qu'elle n'a pas.
3/ Nous avons deux catégories de représentations du langage, les expressions indexicales qui opèrent une construction du sens par une lecture instituant une dépendance aux contextes et les expressions objectives qui portent en elle leur métadescription (i.e. le contexte est décrit dans l'expression).
4/ L'ordinateur est stupide et les outils linguistiques ne font que ce qu'on leur demande de faire. Il faut à chaque fois construire le thesaurus et focaliser les critères d'exploration linguistique sur un contexte. A la limite, ces outils peuvent s'adapter et faire évoluer leurs procédures mais ils obéissent à des heuristiques données par l’opérateur humain. La dérive des langues naturelles étant infinie (infinitude des indexicalité), la machine si elle veut égaler l'homme doit connaître par avance tous les contextes et produire sur ceux là un calcul proche d'une appréciation humaine.
Ce qui est impossible, même chez l'homme les contextes pragmatiques de la communication ne sont pas explicites, il faut que l'esprit travaille pour s'en imprégner. Si la machine veut égaler l'esprit humain il faut au minimum qu'elle soit capable de faire évoluer elle-même ses propres critères de convergence pour s'adapter à la découverte ou l'exploration de nouveaux contextes.
5/ L'ordinateur "bête et méchant" n'est pas encore supérieur à l'esprit humain, justement car la pensée humaine est capable de réguler et modifier elle-même ses propres modes opératoires. Et c'est bien ce que l'on cherche à obtenir dans les laboratoire d'IA, des systèmes cognitifs qui intègrent ces processus de l’évolution de la pensée dans l'action et la communication et qui ont une aptitude à comprendre l'intentionnalité et la subjectivité.Que faut-il penser de cette confrontation ?
Les informaticiens ou les utilisateurs de l'informatique qui restent enfermés dans leur pensée technique passent à coté de la richesse humaine, de la complexité de l'univers. A ces gens là, je conseille d'ouvrir la porte de la salle informatique pour s'ouvrir à d'autres connaissances. C'est une condition élémentaire, un principe méthodologique essentiel avant la constitution d'un échange d'idées entre communautés de recherches différentes qui sont autant de communautés de pensées que de sensibilités.
Il est vital dans les temps actuel de géopolitique de chaos et de lutte d'influence de travailler ensemble pour le bien commun, pour délimiter et juger sereinement des trop nombreuses contradictions des communautés scientifiques et des différents réseaux d'utilisateur profane de la technologie. Le débat expert/profane ne doit pas diviser mais nous unir vers une synthèse constructive, sinon je ne vois pas à quoi peut servir la recherche scientifique à part bien sur pour les esprits mal tournés à garantir une suprématie. Mais est-ce vraiment le destin de l'homme que d'assister à cette lentre dégradation des relations humaines sans réagir, que de subir les dogmes techniques et idéologiques sans débattre des démonstrations sur lesquelles elles reposent ?
C'est au niveau de l'enseignement que ce situe le point crucial de développement d'une science ouverte et respectueuse. Je l'ai déjà expliqué sur mon site avec des démonstrations simples, il faut ajouter et rechercher les passerelles interdisciplinaires afin de sortir de l'ethnocentrisme.
Quelques liens :
Rubrique raisonnement de sens commun
Liens sur l'intelligence artificielle
Lexique ethnométhodologique
Expressions indexicales et expressions objectives
Hiérarchies de Concepts
Fondements epistemologiques, thèse de P.L
Indexicalité. (n.f.; en anglais : indexicality ; syn.: contextualité)
Expression indexicale (n.f. ; en anglais indexical expressions)
Infinitude des indexicalités. (en anglais : infinity of indexicalities)