Mal-Logés, unité et offensive
Le coût du logement est une catastrophe sociale. C’est un drame pour au moins trois millions de personnes. À commencer par celles qui n’ont pas de toit sur la tête, comme ce déménageur à Paris qui passe son temps à emménager les autres pour gagner 910 euros mensuels et qui dort dans le métro, comme l’a montré un récent reportage télévisé.
Les cent mille SDF ne sont que la partie visible de l’iceberg.
Le drame, la souffrance quotidienne de ceux qui sont livrés aux marchands de sommeil, qui sont réduits à vivre dans des chambres d’hôtels ou dans des logements surpeuplés ne sont pas visibles. De temps en temps, le voile se lève, comme cet hiver lorsqu’on a découvert un intérimaire mort de froid dans sa voiture. Mais combien y a-t-il de tragédies comme celle de cette famille dont les quatre enfants sont atteints de saturnisme, maladie transmise par le plomb qui engendre des lésions irréversibles au cerveau, et à qui les services sociaux demandent de patienter dans le logement insalubre ?
Et combien de sacrifices imposés à des millions de familles tout simplement pour payer le loyer ?
Alors, quand des familles ne se laissent pas faire, quand elles décident de squatter des immeubles vides, quand des dizaines, des centaines de personnes décident de camper au grand jour, eh bien cela fait partie de notre combat. Comme cela fait toujours partie du combat du mouvement ouvrier de se battre pour s’opposer à des augmentations de charges ou contre les huissiers pour empêcher une expulsion.
Mais la situation du logement ne peut être améliorée qu’à l’échelle de l’ensemble de la société. C’est à l’État qu’il faut imposer une politique de grands travaux pour construire des logements corrects à la portée des classes populaires. À l’État, et pas aux municipalités. Les communes, aussi bien intentionnées soient-elles, et il y en a, surtout à gauche, ne disposent pas des moyens suffisants.
Il faut la puissance financière et politique de l’État. Il faut donc contraindre le gouvernement à prendre les mesures d’urgence qui s’imposent.
Pour commencer, réquisitionner les logements vacants. Sur les deux millions recensés, un certain nombre doivent être habitables ! Il faut aussi réquisitionner une partie des logements sous-occupés par la bourgeoisie. Parce qu’il n’est pas supportable que des familles s’entassent dans des chambres de dix mètres carrés, pendant que des appartements de quatre cents mètres carrés sont occupés par une seule famille, voire par des personnes seules.
En peu de temps, l’État pourrait sortir d’un enfer quotidien le million de personnes livrées à la rue ou à un habitat provisoire.
Mais les réquisitions, même massives, ne pourraient pas couvrir tous les besoins. Pour sortir de la crise actuelle, il faut un véritable service public du logement, car il faut que l’État construise en masse, et de toute urgence, les logements sociaux, en embauchant directement la main-d’œuvre nécessaire et qu’il les loue à prix coûtant. Qu’on ne dise pas que les terrains manquent, qu’il y a le problème du foncier. L’État a les moyens de réquisitionner les terrains, y compris dans les quartiers bourgeois.
Exproprier un petit propriétaire pour construire une autoroute, lui envoyer les gendarmes, l’État bourgeois sait le faire, cela ne lui pose aucun problème !
Construire un million de HLM par an, ce qui permettrait de résorber en trois ans la crise actuelle, coûterait cent milliards à l’État. On nous dit que les caisses sont vides ? Mais l’État distribue en aides publiques aux entreprises une somme considérable. En ne comptant que l’aide de l’État proprement dite, cela dépasse déjà les 65 milliards. Mais d’après un rapport officiel publié en 2006, en ajoutant toutes les formes d’aide, y compris celles indirectes, on avoisinerait les 250 milliards d’euros !
D’après le rapport d’une mission de parlementaires rendue publique en juin, rien que les niches fiscales sont évaluées à 73 milliards pour 2007. En supprimant ces niches fiscales et en arrêtant les cadeaux aux entreprises, l’État trouverait les moyens de construire, massivement. Mais cela, il faudra le lui imposer par une lutte puissante de l’ensemble du monde du travail.
Le rapport de force essentiel et décisif se joue entre les travailleurs et le patronat. Si des millions de travailleurs ne parviennent pas à se loger, c’est que le patronat ne paye pas le minimum nécessaire. On ne peut pas se loger avec 900 euros de salaire ! Même les HLM refusent de louer à d’aussi faibles revenus. Quand il s’agit de se loger à proximité des villes, le smic n’est plus un minimum, il est en dessous du minimum !
La valeur de la force de travail est censée correspondre à ce que coûte son entretien, la nourriture, le logement et les vêtements. Eh bien, la bourgeoisie ne paye même plus les salaires correspondant à la valeur de cette force de travail. Elle ne se contente plus de la plus-value, du fruit du travail ; la bourgeoisie vole aussi une partie du salaire qu’elle doit au travailleur. Les marchands de sommeil et autres margoulins sont des parasites, mais ce ne sont pas eux qui dirigent la société, c’est la grande bourgeoisie, et c’est la lutte contre elle qui sera décisive. Imposer des salaires corrects et garantir le pouvoir d’achat est un combat permanent que les travailleurs doivent mener contre la bourgeoisie.
C’est un combat indispensable pour se défendre.
Mais l’économie capitaliste est incapable de résoudre définitivement la question du logement en garantissant à toutes et à tous un logement correct. Elle est incapable de répondre aux besoins vitaux de toute la population : se nourrir, se vêtir, se loger et, en tant que communiste, je rajouterais s’éduquer. Ces priorités-là, seul peut les mettre en œuvre un pouvoir représentant réellement les intérêts des travailleurs et par là même de l’ensemble des classes populaires. Pour ce pouvoir-là, ce serait une évidence qu’il faut satisfaire les besoins élémentaires avant de penser à construire des palaces.
Quoi de plus écœurant et de plus révoltant que ce capitalisme triomphant qui déploie des milliards et des trésors d’ingéniosité pour construire des hôtels sous-marins ou des pistes de ski à Dubaï ! Dans les villes riches, et même dans les quartiers riches des villes pauvres, les architectes rivalisent de prouesses avec leurs structures d’acier et de verre. Mais à l’échelle de la planète, les villes qui grandissent aujourd’hui, Bombay, Mexico, Lagos, Nairobi, sont, elles, de plus en plus faites de brique brute, de parpaings, de tôles et de bâches plastiques.
Pour que ce ne soit pas cela l’avenir de la majeure partie de l’humanité, il faut débarrasser la société du capitalisme. Ce n’est qu’après avoir repris en main les rênes de l’économie que l’on pourra réellement organiser, planifier le logement pour tous.
À quoi ressemblera l’avenir plus lointain ? Est-ce que ces grandes agglomérations continueront de grandir ? Y aura-t-il deux mondes séparés : celui des villes, où la population se concentrera, et celui des campagnes, déserté ? Comme le disait Engels, il est « oiseux » de l’imaginer. La société communiste règlera ce problème en fonction d’une multitude de choses, en fonction de l’organisation de la production la plus rationnelle, en fonction de l’organisation des transports, de l’écologie et même des goûts de chacun.
Lorsque la loi du profit ne sera plus qu’un élément de notre mémoire, un élément du passé barbare de l’humanité, on pourra commencer à se poser ces questions car, à ce moment-là seulement, on pourra le faire sans arrière- pensée, sans hypocrisie, en mettant toutes les ressources disponibles au service de l’intérêt de l’humanité et de la planète.