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Publié par Christian Hivert

leitmotiv, route sinueuse

 

« Et si l’on changeait de leitmotiv pour poursuivre notre route.... »

 

 

Miro était négligemment posé dans le vieux fauteuil en cuir craquelé et poussiéreux que nul autre de la bande n’avait, semble-t-il apprécié, depuis le temps qu’il l’avachissait souverainement. Ils étaient tous là à tournicoter, s’emplir de bière, bavasser et fricoter. Tous, oui tous ceux que l’extérieur des choses nommait ses lieutenants et qui n’étaient pas les plus proches de ses connaissances. De ceux, qui comme lui, avaient eu le sentiment depuis longtemps qu’ils devaient intervenir et maîtriser, se coordonner et organiser, pour qu’une chose collective puisse exister, qui voulaient donc qu’une chose collective puisse exister, mais pas n’importe quelle chose. Ils voulaient une chose à inventer chaque jour et qui de ce fait ne pouvait véritablement être décrite. Mais ce qu’ils savaient c’est que cette chose serait nouvelle, ne correspondrait plus aux normes existantes de tout temps du monde dans lequel ils vivaient. Et ils s’efforçaient eux-mêmes d’en inventer la nouveauté dans leurs rapports, dans leurs comportements, dans leurs vies, dans leurs idées. Ils ne cessaient d’en débattre, mais pour l’heure la réunion tardait à démarrer. Car en général, et sans que cela soit établi de manière certaine, c’était Miro qui démarrait et qui posait les questions. Et là, il ne démarrait pas !

 

Miro était négligemment posé, absent, intérieurement présent, mais absent. Sa canette débouchée à la main, dans laquelle il n’avait même pas bu.

Depuis la mort d’Emile, la bande avait conservé ses structures quasiment intactes et continuait de fonctionner telle une machine bien programmée qui sait répondre paisiblement à chaque situation proposée. La plupart des lieutenants d’Emile ne faisaient pas partie de ce collectif de compagnons rassemblés autour de Miro, mais ils leur laissaient la gestion des opérations, de manière naturelle et ceci tant que leurs intérêts et leurs affaires routinaient sans accroc.

 

Miro était absent car il réfléchissait à ce délicat problème.

Fallait-il provoquer la discorde et la guerre de succession des structures ?

Au prix de s’engluer dans des luttes de pouvoir qui n’amèneraient rien de nouveau.

Il se sentait coincé, son orgueil en pâlissait, son imagination stagnait et son esprit divaguait par delà les confins étoilés.

Or pour expliquer en profondeur ce qui pouvait se passer dans ces neurones survoltés et néanmoins fatigués, il était désormais nécessaire de faire une pause dans le récit, de lever la plume, de réfléchir....

A quoi tout cela nous menait-il ?

Oui, c’est vrai, c’est moi qui raconte et le lecteur peut avoir l’outrecuidance de se désolidariser de mes efforts.

 

Miro était posé là, absent, mais intérieurement présent.

C’est cette présence intérieure qu’il convient de pénétrer noblement. Il serait parfaitement superflu de survoler le sens de ces mots sans faire d’escale dans cet îlot perdu au milieu de la marée démontée des incertitudes humaines.

Miro était là, son orgueil en pâlissait !

De tous les désirs humains couramment entrevus, un seul semblait commander toutes les démarches, se mêler dans toutes les attitudes, se fondre dans toutes les aventures, s’imbriquer dans tous les espoirs :

le désir de paraître aux yeux du monde, la mégalomanie, la lâcheté de l’orgueil, l’illusion d’être indispensable à quelque chose !

Même en songeant à en sortir, à s’en échapper, à s’en extraire, toutes les capacités talentueuses et ordinaires d’un individu se soumettaient à cette conduite primitive et animalière, quelles que soient les orientations prises et les priorités d’une vie, rien n’échappait, rien n’avait jamais échappé à cela :

combattre pour exister, se croire le seul, l’unique, même imperceptiblement, même sans en avoir conscience, misérablement englué dans des fantasmes de grandeur et chacun en fonction de ses possibilités désirant être plus, en avoir plus, accéder à l’infâme privilège de se croire meilleur qu’un autre, d’avoir mieux compris, de se croire plus efficace, de s’imaginer avoir fait de meilleurs choix !

 

Et Miro, sa bière ouverte à la main, qu’il n’avait pas encore bu, se creusait indéfiniment les méninges. Il avait beau se dire que si cette impulsion venue du fond des âges n’existait pas, ils n’auraient aucunement la possibilité ou la volonté de vouloir progresser. Comme si c’était la conséquence adaptée à l’espèce humaine de l’instinct de conservation naturel à toutes espèces vivantes. Mais alors, dés qu’ils se mettaient en mouvement pour tenter de bâtir une force de renversement de la domination existante, ils se condamnaient à faire progresser une nouvelle force de domination, sous une autre forme !

 

Et alors, comment stopper cela ? Etait-ce possible ? Etait-ce pensable ou souhaitable ?

 

Ne serait-ce pas la mort ? S’il appliquait cela à lui-même et à ses compagnons, ils se condamnaient à subir les délires de domination des autres , Ils n’allaient tout de même pas s’extraire du monde, comme ces sectes que Télé-bidon1 montrait dans ses reportages. Il fallait bien agir, être présent dans le monde. Mais au nom de quoi, au nom de quel idéal supérieur pouvaient-ils se permettre de vouloir changer le monde ? S’ils y parvenaient, ne feraient-ils pas pire ? L’histoire était parsemée de ces révolutions qui avaient détruit un ancien pouvoir pour en installer un autre, tout aussi barbare, que le précédent la plupart du temps, avec se cohortes d’exploités sucés au sang par des poignées de privilégiés. Déjà, rien que dans son petit groupe, il lui fallait faire une guerre constante et sans merci aux appétits des uns et des autres afin que personne ne puisse dire qu’ils ne visaient que leur intérêt personnel. Et par rapport au reste de la bande, il était hors de question de toucher aux privilèges établis des anciens lieutenants d’Emile !

La complexité du problème l’envahissait et le désarmait. Il fallait quand même bien croire que son idéal était meilleur que le monde dans lequel il était. Il fallait quand même bien que cette société sans classe et sans exploitation, il combatte chèrement pour l’installer un jour, au moins pour préparer sa venue !

 

Mais s’y prenait-il correctement ? Ce qu’il organisait lui paraissait logique et efficace, ses compagnons le suivaient, en étaient convaincus, leur lutte était juste et leur manière de faire également !

 

Alors pourquoi ces questions et ces atermoiements ? Qu’est-ce qui clochait ? Pour le moment, il n’y avait pas vraiment le choix ! Ils n’étaient vraiment libres ni les uns ni les autres ! Ils étaient assujettis à des règles de survie comme tout un chacun, et il leur fallait utiliser des méthodes dont ils souhaitaient la disparition. Le premier et le seul objectif du moment était le renversement du processus. Quels que soient les moyens utilisés, rien ne pouvait se construire de positif ou de nouveau dans les normes actuelles. C’était même la seule chose dont, après de nombreuses expériences et réflexions, il soit à peu près sûr !

Mais en même temps et parallèlement, il fallait donner vie, engendrer, imaginer les nouveaux comportements, les nouvelles normes de solidarité humaine qui permettraient la construction de ce monde sans classe tant attendu !

 

Tout en continuant d’utiliser des méthodes de coercition, de lutte, de pouvoir, de domination qui, seules, permettraient de vaincre. Comment ne pas s’y perdre ? Ne serait-il pas tentant de récupérer les privilèges à leur compte ? l’occasion faisait toujours le larron ! Comment pouvait-il être sûr qu’une fois le processus détruit, les guerriers victorieux n’en profiteraient pas, une nouvelle fois dans l’histoire humaine, pour se servir et établir un nouveau pouvoir ? quels pouvaient être les moyens de contrôle et de maîtrise collective ? Il y avait eu tant d’échecs jusqu’à présent. Non décidément, cette mégalomanie et cet orgueil humain, qu’il connaissait pour les sentir en lui, avaient des racines trop profondes dans leur matière organique !

Et pourtant il fallait bien avancer, proposer quelque chose !

 

Miro était posé là dans le fauteuil, absent !

Même si pour le moment tous ceux qui étaient avec lui se décarcassaient à qui mieux-mieux pour faire vivre leur idéal et n’en retiraient personnellement aucun bénéfice matériel, ils ne pouvaient s’empêcher d’en retirer une certaine forme de gloire, une satisfaction d’être vus. Et personne ne pourrait jamais dire ce qui était le plus important. Faire ce qu’il faut pour toujours en imposer aux autres et se croire meilleur que la moyenne, s’imaginer flotter au dessus des embarras du monde et se persuader d’avoir toujours fait ce qu’il était juste de faire ou bien se mettre au service de l’évolution d’une pratique de lutte et d’une réflexion émancipatrice. Pour le moment, il n’y avait rien à gratter véritablement dans l’histoire, éventuellement des coups et des dépenses d’énergie, de la fatigue et du doute. Mais si le groupe représentait un quelconque poids à l’avenir, combien se comporteraient comme des petits chefs, des aristocrates de la lutte  et réclameraient des avantages pour salarier leur engagement.

 

Combien seraient suffisamment conscients et lucides pour poursuivre le combat jusqu’à son ultime rendez-vous, la société des frères humains collectivement gérée, assumée et défendue?

 

Déjà au cours des débats qu’ils avaient entre eux, certains cherchaient plus les hommages rendus à leur personne pour prix de leurs efforts que de répondre sincèrement aux interrogations posées. Il en résultait des embryons de lutte d’influence au sein du groupe, de compétition entre les compagnons, qui même si momentanément cela créait une émulation dans le travail collectif, ne pouvait qu’aboutir à un noeud de contradictions affectives où seraient plus représentées les susceptibilités des uns et des autres que leurs raisons objectives de faire tel ou tel choix. En effet, ce n’était pas rare hélas de suivre telle ou telle ligne d’action politique en raison de la sympathie ou de l’antipathie supposée de ses défenseurs. Beaucoup plus que de choisir en fonction de leur efficacité corroborée par l’expérience contenue dans l’histoire des luttes passées. Car pour choisir en connaissance de cause, il fallait faire l’effort d’apprendre, ce qui était nettement plus difficile que de simplement se donner les moyens de se faire voir.

 

Quoiqu’il en soit, il n’était pas question de s’en arrêter la, la conscience et la connaissance progresseraient si le groupe progressait. On ne pouvait pas obliger qui que ce soit à apprendre la théorie des luttes. Ce qu’il fallait avant tout c’était comprendre. Et pour comprendre, il n’y avait pas forcément besoin de se plonger dans des milliers de bouquins. L’expérience personnelle au sein d’une lutte combative pouvait en apprendre bien plus que des cours professoraux rébarbatifs. Il suffisait qu’il y en ait au moins un d’à peu près conscient dans la lutte pour qu’il puisse avertir à temps des écueils naturels qui ne manqueraient pas de couper la route et qu’il suggère une ou des solutions pour y échapper, tout au moins qu’il suscite une réflexion collective !

 

Mais là encore l’orgueil individuel avait toutes les chances d’être au rendez-vous. Et que se passerait-il alors si celui qui était le plus informé, le plus averti, le plus conscient, se mettait à devenir chef, à déjanter, à induire son groupe en erreur afin d’utiliser sa force selon d’autres critères plus personnels ! Qui le stopperait alors ?

 

Miro était là, son orgueil en pâlissait

 

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