LE PÉPÉ : P.SELOS
LE PÉPÉ
Rétroviseur, rétromémoire et rétrogrades,
Agrippé aux bras du fauteuil,
Le pépé ne conjugue plus au temps présent,
Bien encor moins au temps futur.
Qui le rattache à cette vie ?
Quel lien d’amour ?
Des égards dont il fait l’objet,
Il n’est pas dupe.
Ça s’rait - t’y pas pour l’héritage ?
L’est pas pressé l’père la casquette !
Il en bourra encor des pipes
Avant d’la casser pour de bon.
Mêm’ que dans sa barbe il se marre
Devant la comédie humaine.
Il l’a connait pour l’avoir jouée
Bien avant ces petits morveux.
Lui se souvient de ses vingt ans,
De ses amours,
Quand il vivait au jour le jour,
La Belle Époque !
On comptait pas, on dépensait
Après la paie de la quinzaine
Faubourg du Temple et Saint Antoine
Dans les ateliers
d’artisans.
Deux guerres, qu’il en a vues passer !
Il les a faites, c’est pourquoi
Ce n’est pas de peur qu’il tremblote.
Mais en dépit des apparences
Il garde encor quelques faiblesses,
Lorsque grimpe sur ses genoux
L’un de ses tous petits enfants.
Et c’est pour ceux-là qu’il s’inquiète,
Le pépé qui n’a plus de dent
Mais du mordant.
P.SELOS
Paris, le 25 Mars 2014