Aux geeks tortionnaires : rappel de la loi
Maître Olivier Iteanu : "Les dérapages en ligne viennent souvent du ‘réel’ " by Parents 3.0
Chers parents,
Si vous lisez ce blog, vous êtes un parent averti. Des usages numériques. Mais êtes-vous également un parent averti des droits et des devoirs qui vous incombent en tant que géniteurs de blogueurs, tweeteurs, facebookeurs, bref, en tant qu'éleveurs d'enfants qui s'expriment sur le Net en général et sur les réseaux sociaux en particulier ? Si nous sommes tous ici d'accord pour dire qu'un parent, qu'il "parente" devant ou derrière un écran, devient de fait, le jour où son enfant paraît, un être pleinement responsable, il est parfois bon de rappeler que les territoires numériques, parce qu'ils sont éminemment humains, relèvent également du droit. Les réseaux sociaux ne sont pas des lieux qui échappent aux règles de bonne conduite de base. Ce qui fait dire à Maître Olivier Iteanu : "Les réseaux sociaux compliquent le métier de parent".
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Olivier Iteanu est avocat, un des pionniers dans le droit des technologies de l'information, qui a, comme l'explique sa page Wikipedia, notamment été président de l'ISOC France (Internet Society, qui a pour mission la promotion d'un Internet pour tous). Nous avons rencontré ce passionné passionnant, et avons discuté avec lui de l'aspect juridique, souvent occulté, sur les réseaux sociaux. Conversation à bâtons rompus.
"Le parent d'un enfant connecté se doit d'avoir des notions juridiques : sur les réseaux sociaux, le plus souvent, il s'agit d’une communication publique. La règle est simple : en Europe, on est responsable des paroles et de toutes les infos que l'on diffuse dans le public. Un parent doit exposer la règle simplement et l'expliquer. Il doit rappeler que la parole engage. Un blog, par exemple, c'est l'égal en matière d'expression d'un organe de presse. Et donc, les paroles, les écrits doivent respecter nos valeurs, ce que l’on nomme notre ordre public (racisme, antisémitisme, homophobie) et droit des tiers, c'est-à-dire pas d'injures, pas de diffamation. On ne peut pas dire n'importe quoi sur n'importe qui car nous croyons en Europe et plus particulièrement en France, que ces paroles blessent et peuvent même tuer à moyen ou long terme. Si on ne respecte pas cela, on est dans un délit puni par la Loi. Voilà ce qu'il faut expliquer simplement à un enfant qui fait ses premiers pas sur les réseaux sociaux. Ne pas dramatiser non plus, mais ne pas occulter et surtout justifier.
Un adolescent de plus de 16 ans a une responsabilité pénale. Pour les parents, cela engage leur responsabilité civile, avec pour conséquence, en cas de diffamation ou injure, un éventuel dédommagement de la victime, les fameux dommages et intérêts outre les frais de procédure voire d’avocats à rembourser en tout ou en partie à la victime.
Parce qu'il nécessite le dialogue, l'apprentissage du droit peut ainsi devenir un espace de rencontre et de dialogue en famille. Expliquer, dialoguer, poser les règles : les réseaux sociaux sont des outils de vérité. Enfants, parents, nous y avons tous un rôle à jouer, nous en sommes tous, directement ou non, des acteurs, et il convient, comme pour n'importe quel acte de la vie, de prendre ses responsabilités. Les dérapages sur les réseaux sociaux naissent souvent de la vie réelle. Et si l'enfant est victime de harcèlement par exemple ou d'usurpation d'identité, si le dialogue ne suffit pas à rétablir la situation, il faut rappeler que l'on peut avoir recours à l’Etat de droit, en l’occurrence via la police.
Rappelons également que l'anonymat n'existe pas sur Internet. Nous laissons des traces partout. Un opérateur a obligation de traçabilité et de conservation des traces, ce dont on n'est pas forcément conscient. C'est également vrai pour les hébergeurs. Cela permet de remonter aux auteurs de contenus illicites de toute nature. Nous sommes en réalité bien tous sous l'oeil du Net, sous une certaine surveillance. Il faut donc apprendre à se contrôler en ligne, et exercer une forme d'auto-censure sur ce qui peut blesser l’autre. En bref, je le redis : il faut que chacun agisse de manière responsable, dans la vie numérique comme dans la vie réelle."