Les mémoires d'un poilu de 14 : (7)
A mes neveux et nièces Jean et Jeanne Marie et à leurs enfants Christian et Dominique en témoignage de la grande affection que j’ai pour eux. Gaston Hivert le 21 Décembre 1919
Ceci rejoint les grandes plaques de Bouillon « Kub » qui étaient apposées sur les maisons et derrière lesquelles, il existait des renseignements stratégiques. Ce qui prouve que l’Allemagne avait bien préparé et voulu cette maudite guerre…
C’est à Bras également, que j’ai vu debout au coin d’une maison un obus de 420 non éclaté, mais désamorcé. J’avoue que c’est impressionnant de voir un obus d’une telle dimension…
Après un assez court séjour, nous sommes retournés à la citadelle. Là on nous annonça, que l’on préparait une attaque pour reprendre Fleury, et que nous allions faire parti de cette offensive.
A cette époque les effectifs devainet être limités… car on nous a dit avant de monter : on vous donne des vivres pour 8 jours, et on apprit plus tard que l’on ne serait relevés qu’avec 60% de pertes ! Belle perspective…
Enfin le jour H est arrivé, et par le faubourg pavé, nous repartons avec sur le dos, deux boules de pain, deux bidons de pinard, des boites de singe, et un bidon de « gnaule » ayant un goût étrange…
Là j’ai vu et entendu des pauvres gars dire : Ah ! Que l’on se fasse casser la g… aujourd’hui ou demain, faut toujours y aller… Alors ils se consolaient, en buvant à pleines gorgées leurs bidons de pinard.
Enfin, nous arrivons à Bras, et nous prenons le ravin des Vignes, toujours très arrosé par l’artillerie boche, par des tirs de barrage, et après quelques heures de marche, on nous a fait stopper.
Au petit jour, nous cherchions Fleury. Nos gradés nous indiquent un pan de mur et nous déclarent : c’est là que nous devons attaquer et nous serons dans Fleury. Un bombardement intense nous précède, et nous arrivons, non sans pertes, au milieu d’un amas de ruines… mais qui pour les allemands était un point stratégique.
Nous sommes restés 4 jours avant d’être relevés, ayant essuyé des bombardements terribles… quel massacre… õus avons appris par la suite, qu’à notre droite, au fort de Vaux , la lutte avait été encore plus terrible…
Il faut dire aussi, que dans tous les secteurs de Verdun, que j’ai pu voir, il n’est pas 1 m de terrain ; qui n’ait été retourné une centaine de fois, par le pilonnage des duels d’artillerie. Certains auteurs, ont du reste écrit que Verdun fut le tombeau des Armées allemandes et Françaises
Enfin, nous sommes partis au repos dans un secteur bien calme ;sur la gauche de Reims, nos tranchées se trouvant au moins à un kilomètre des tranchées ennemies, personne ne nous tirait dessus (Région de Rilly-la –Montagne)
Puis, quand nous fûmes reposés, nous avons été dirigés sur les Vosges, et sommes descendus à Gerardmer. Au bout de quelques jours, nous sommes montés en position au Henek, par le col de la Schlut, guerre de tranchée normale, avec coups de feu et quelques duels d’artillerie diurnes et nocturnes.
On appris que l’on préparait une grande offensive avec les américains sur la vallée de Munster…
Mais on apprit aussi par les cuisines roulantes, que les diplomates devaient se réunir bientôt, pour une armistice éventuelle… mais tout les copains disaient : « c’est un filon de cuistot »…
—L’armistice —
Le 11 Novembre 1918, vers 10h du matin, c’était vrai…Personne ne pouvait y croire…
Le soir dans Gerardmer, on se rencontrait, on rigolait… sans se dire un mot !…
Ce n’est que quelques jours plus tard, quand nous commençâmes notre marche en avant, par la vallée de Munster, Colmar et Mulhouse, nous avons été littéralement portés en triomphe, couverts de fleurs et de baisers… C’est là dis-je que nous avons réalisé que c’était fini, et que l’on redevenait des humains.
Nous sommes restés en occupation Gress-Guérau Mayence et Wisbaden, (quelle jolie volle), avec tous les avantages dont peuvent bénéficier les occupants…
Je fus libéré avec ma classe 1910, le 12 Aout 1919, à Lille où je fus dirigé pour cette formalité, je redevenais un homme…
Voilà comment j’ai passé ma jeunesse de 21 ans à 29 ans et je n’ai pas le droit de me plaindre, quand je pense aux 1 600 000 tués de nos camarades, qui sont morts en croyant à la der des der…
Je me souviens aussi qu’un grand homme « Clemenceau »qui osa dire face au pays : Ces hommes ont des droits sur nous » ! ! ! Que d’amères désillusion depuis.
—Ma conclusion —
Gaston Hivert, le 21 décembre 1969