SE TAIRE : P.SELOS
Conditionnement hérité de l’école, institution par nature allergique au mutisme, nombreux sont nos contemporains qui se croient obligés de donner un avis sur les sujets les plus divers alors qu’ils n’en ont pas.
Les considérations sur l’art n’échappent pas à ce paradigme. Incapables de regarder une œuvre pour ce qu’elle est, à l’état brut, sans passer par le prisme d’un catalogue de références toutes faites et aux opinions formatées, ils ne sont que des aveugles « éclairés ».
« Reconnaître qu’on ne sait pas » est la vertu primordiale d’un esprit ouvert ; son corollaire étant le désir d’avancer dans la connaissance.
Pour ce faire, il faut d’abord réorganiser son rapport aux préoccupations subalternes sans pour autant devenir un être éthéré.
Mépriser les contingences matérielles et particulièrement la part de la main équivaut à une amputation à l’égard de notre intégrité.
Aujourd’hui, nous sommes cernés par des hommes troncs complétés par des ordinateurs et l’on arrive de plus en plus souvent à se demander lequel des deux prolonge l’autre.
Comme on parle d’éviscération, on peut tout aussi bien évoquer une « désentimentalisation » des rapports humains, autrui étant réduit à une somme d’informations n’ayant rien à voir avec la personnalité profonde du sujet.
Notre monde est celui du paraître avec un vernis minimum suffisant pour faire bonne figure à la table d’un repas prétendument mondain où l’on invite un spécialiste de n’importe quoi pour alimenter la conversation.
La médiocrité a un bel avenir.
P.SELOS
Paris, le 23 Novembre 2014