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Publié par Christian Hivert

 

l’organisation d’un campement sauvage sur le futur emplacement de la Très grande bibliothèque à l’émergence et les premiers coups de main médiatisés de Droit au logement (DAL), toutes ces actions ne sont pas sans rappeler une frange occultée de l’histoire syndicale, dont le « frasques » eurent pourtant un écho certain sur les contemporains. En renouant avec l’action directe par le biais des réquisitions et autres occupations de logements vacants, ces organisations reprennent à leur insu un militantisme dont les origines furent imprégnées de syndicalisme révolutionnaire.

 
De la ligue des antiproprios à l’Union syndicale des locataires
A l’aube du XXe siècle, de nombreux facteurs convergent pour renforcer la crise des logements. Celle-ci touche essentiellement le monde ouvrier, dont la condition a été assez bien résumée par Jean-Marie Mayeur :

« l’insécurité, la vie au jour le jour, l’absence d’épargne, l’impossibilité d’accéder à la culture, voilà qui définit la condition ouvrière.[1] »

Dès les années 1880, les anarchistes parisiens se rendent célèbres en popularisant la pratique des « déménagements à la cloche de bois », qui consistait à vider in extremis l’appartement du locataire s’il ne pouvait payer le terme. Fondée en 1886, la Ligue des antiproprios sévissait encore dans la région parisienne en 1892, cela en toute légalité car seul l’huissier avait qualité pour agir (si un acte de saisie-gagerie avait été dressé[2]). A cette période agitée succèdent deux décennies relativement calmes sur le plan locatif, même si les déménagements à la cloche de bois ne cessèrent jamais. Et pourtant ! De 1900 à 1910, les loyers les moins onéreux connaissent une inflation de 25 %, tandis que les autres restent presque stables. C’est dans ces conditions que se forme le premier groupement sérieux de locataires[3].

A Clichy, un groupe d’une dizaine d’ouvriers réactive vers 1907 la pratique des déménagements à la cloche de bois. Lorsque, en 1909, un certain nombre de propriétaires de la ville mettent sur pied une organisation, la Bourse du travail locale, sous l’impulsion de son responsable, décide de doter les ouvriers d’une structure revendicative plus efficace. Ancien communard, secrétaire du syndicat des ouvriers en voiture du département de la Seine (nombreux en banlieue nord) affilié à la CGT, secrétaire de la Bourse du travail de Clichy, Constant est un vieux routier des luttes révolutionnaires. Elu en 1911 secrétaire de la Fédération nationale des ouvriers en voiture, il adhère la même année à la Fédération communiste anarchiste (FCA), nouvellement créée.
 
Un syndicat anti-vautours
Sous son impulsion, un groupe d’ouvriers se réunit en décembre 1909 à la Bourse du travail de Clichy. On y décide la création d’un syndicat des anti-vautours et Constant en est nommé secrétaire. Mais c’est réellement en janvier 1910 qu’il expose son véritable projet et donne naissance à l’Union syndicale des locataires ouvriers de la Seine. En le dotant de statuts, Constant donnait au syndicat un mode de fonctionnement calqué sur n’importe quelle organisation de la CGT. Son but était d’obtenir la réduction des prix des loyers, la réfection des logements insalubres, de s’opposer aux expulsions en pratiquant le relogement forcé et les déménagements à la cloche de bois… A plus long terme, il visait l’organisation de la grève générale des loyers.

Le syndicat des locataires reçut un accueil enthousiaste. En 1912, il était fort de 3500 membres adhérant à des sections implantées dans les quartiers les plus ouvriers de Pars et de la banlieue. Les actions spectaculaires qu’il impulsa alimentèrent régulièrement les colonnes des journaux parisiens, comme celle de la grève des loyers soutenue durant près de six mois par les locataires des immeubles situés rue des Bergers à Paris. Début 1911, une nouvelle recrue du nom de Georges Cochon prend la tête du syndicat tandis que Constant devient secrétaire de la jeune Fédération nationale des locataires.

Amélioration notable, le syndicat s’adjoint un avocat conseil qui lui sera d’un grand secours lors de ses démêlés avec la justice. Mais l’ambiance n’est plus la même. Sous l’influence et le prestige grandissant de Cochon, et avec l’arrivée de militants socialistes, le syndicat s’éloigne des principes libertaires qui avaient prévalu à sa constitution. En 1911, Cochon tente de concilier les deux pôles divergents des syndicalistes révolutionnaires et réformistes, tout en reconnaissant qu’« il n’y a rien de tel que l’action directe pour obtenir satisfaction ». Cependant, une première décision d’envoyer un courrier aux élus au nom du syndicat est fortement contestée. A la fin de l’année, le conseil d’administration décide de révise les statuts et d’appointer un secrétaire permanent en la personne de Cochon. Constant, sui jouissait encore d’une réelle influence, donne sa démission tandis que de nombreuses sections protestent.
 
Vie et mort d’un mouvement populaire
Grisé par sa popularité, Georges Cochin crée la rupture définitive lorsqu’il annonce sa candidature aux élections municipales en mai 1912. Les syndicalistes révolutionnaires et les anarchistes décident d’amorcer son éviction, tandis que la Guerre sociale de Gustave Hervé, pourtant en plein rapprochement avec les socialistes, publie un article assassin.

Le mois suivant, Cochon est exclu de l’Union syndicale des locataires. Mais le mal est fait. Divisé, affaibli par les tensions internes, concurrencé par une nouvelle organisation créée par Cochon et ses adeptes, les sections du Syndicat des locataires se vident. Celui-ci perd près de la moitié des dix mille adhérents qu’il comptait deux mois plus tôt et reste en sommeil jusqu’à la Première Guerre mondiale[4].

Il reste cependant un acquis de cette épopée en marge du syndicalisme officiel : le recours constant à l’action directe. Directement imputables aux libertaires et surtout à Constant, les réquisitions de logement et autres occupations démontraient l’impuissance du pouvoir et de l’action politique traditionnels quels qu’ils soient face aux abus de la sacro-sainte propriété.

Organisé sur le mode syndical et fédéraliste, se voulant indépendant de toute emprise politique, le mouvement des locataires réussit (tant qu’il fut uni) là où les autres avaient échoués : attirer l’attention de l’opinion publique et créer un vaste courant de sympathie tout en rendant un service inestimable aux familles les plus exposées.

Anthony Lorry
   

[1] Jean-Marie Mayeur, Les débuts de la IIIe République (1871-1898), Paris, Seuil, coll. « Point histoire », 1973, p. 10.

[2] Cf. Roger-Henri Guerrand, Propriétaires et locataires, les origines du logement social en France (1850-1914), Paris, Ed. Quintette, 1987, pp. 215-224.

[3] Voir Suzanna Magri, « Les propriétaires, les locataires, la loi. Jalons pour une analyse sociologique des rapports de location, Paris 1850-1920 », dans la Revue française de sociologie, XXXVII, 1996, pp. 397-418.

[4] Sur Georges Cochon, voir le livre de Patrick Kamoun, V'la Cochon qui déménage ! Prélude au droit au logement, préf. de Louis Besson, Vauchrétien, Ivan Davy éd., 2000, 164 p.
Section : Le syndicalisme révolutionnaire en France - Logement
Titre : Les origines syndicalistes du droit au logement - Anthony Lorry
Pour citer cet article : http://www.pelloutier.net/dossiers/dossiers.php?id_dossier=131

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