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Publié par Christian Hivert

ADOS-HIER-1963.jpgTRAVERSE…

J’avais dans les trente ans et partais chaque été

Encadrer des ados pour de longues balades.

Je devenais alors un semblant de berger

Et nous prenions toujours des chemins de traverse.

 

La plupart des sentiers de grandes randonnées

Sont des tracés connus depuis des millénaires

Et parcourus par  l’homme autant que l’animal

Jalonnés de points d’eau et d’abris sous la roche.

 

Dès les premiers chasseurs et meneurs de troupeaux,

Des cohortes de gens ont laissé leurs empreintes :

Colporteurs, pèlerins, brigands et faux-sauniers.

Il passait par ces lieux toute une foule en marche.

 

Monter et redescendre et puis recommencer,

Et ne plus percevoir les rumeurs d’une route.

Être à l’écart du temps et de l’agitation

Emprunter des parcours suivis au Moyen-âge.

 

Tailler dans les ronciers pour retrouver des voies

Figurant sur la carte et qui ne servent plus

Et tenter de calmer les cuisantes balafres

A la halte du soir, le repas terminé

 

C’était aussi le soir qu’on soignait les ampoules

Et les coups de soleil quand on portait des shorts ;

Le moindre brin de paille, en couchant dans les granges

Réveillait la douleur sur des peaux qui pelaient.

Traverser des hameaux que l’on croyait désert

Et s’étonner d’y voir monter une fumée.

Être annoncé de loin par l’aboiement des chiens

Qu’il faut parfois chasser à grands coups de bâton.

 

L’approche de nos pas levait des sauvagines

Le taillis tressaillait d’une bête apeurée ;

Sur les cailloux blanchis s’enroulait la couleuvre

Filant comme une flèche au couvert des bruyères.

 

J’aimais la sensation d’apesanteur soudaine

Quand appuyant le sac à dos contre un muret

Le poids disparaissait qui nous sciait les épaules

Et qu’on en profitait pour s’abreuver aux gourdes.

 

Ceux que j’ai retrouvés n’auront pas oublié

Le torrent de cristal, découverte imprévue

Venu à point nommé, en pleine canicule

Où toute notre bande y sauta sans attendre.

 

Certains après-midi écrasé de chaleur

Nous avons préféré nous déplacer de nuit

Grâce à quoi nous avons rencontré le grand duc

La harde d’un chevreuil et même un garde chasse.

 

Celui qui n’a jamais dormi sous les étoiles

Et vu se lever l’aube, rose et cuivre à la fois,

Et senti le frisson du corps qui se réveille

Connaitra-t-il un jour le  goût d’un vrai café ?

Et le réveil matin sonné par les gamelles

Qu’un groin de sanglier gourmand vient retourner

Ou la vache curieuse qui s’empêtre aux tendeurs

Emballant les dormeurs dans leur toile de tente.

 

La flambée au bivouac et la braise qui meurt

Quand la dernière bûche émet ses étincelles

Et que les yeux rougis d’avoir fixé la flamme

On regagne sa couche dans un dernier effort.

 

Je sais des hauts plateaux où tout semble possible.

Y compris la vision d’un vaisseau sidéral

Nous y avons subi le plus grand des orages

En avançant transis à travers ce déluge.

 

Ces moments - là sont les plus beaux de ma jeunesse.

En plus de nos rencontres avec des inconnus,

Pendant que nous marchions, nous plongions en nous-mêmes

Et sut qu’on peut toujours repousser les extrêmes.

P.SELOS  

  Paris, Février 2013                      

 

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