BALLADE ANGLAISE : P.SELOS
BALLADE ANGLAISE
A la fin des années cinquante, en Angleterre
J’ai dû faire un séjour pour raison linguistique.
Les anglaises d’alors n’étaient pas délurées
Et les adolescents sentaient le presbytère.
Ma logeuse vivait au sud ouest de Londres,
Une banlieue paisible aux coquets pavillons
Le gazon bien tondu rasé chaque semaine,
Immuable rituel strictement respecté.
Bien qu’on fût au mois d’août, la Manche était houleuse
Et j’arrivais malade au tout dernier ferry.
Pour m’achever j’eu droit à manger ma salade
Copieusement noyée au sucre-mayonnaise.
C’était chez une veuve aux charmes demeurés
J’y fis la connaissance d’un très vieux colonel,
Modèle « Armées des Indes » avec short assorti
Dont le portrait s’ornait d’une énorme bacchante.
C’était un grand pêcheur de truites saumonées
Qu’il payait au kilo en bassin d’élevage,
J’ai dû les cuisiner de toutes les façons
Pour pouvoir échapper à la monotonie.
Je parvins par ce biais à parler mieux l’anglais
Et ma réputation gagna le voisinage.
Je devins le « french cook » et ce rôle me plut
Et l’on me regretta le jour de mon départ.
Le savoir vivre étant encor très victorien
Et parler d’uriner étant des plus vulgaires ;
On faisait donc son eau dans les « waters closed »,
C’est faute de pouvoir que mourut son époux.
Le bilan que je fais de ces quatre semaines
Dans ce pays si proche et lointain à la fois
C’est d’avoir découvert ses étranges coutumes
Loin du monde latin si différent du leur.
On y boit le porto, le soir, après minuit,
Accompagné de « slices of bred with cucumber »
Et d’autres gâteries des plus originales
Qui heurtent le palais du français que je suis
Qui n’a jamais goûté l’étrange marmelade
Sous le nom de « Marmite » n’a pas subit d’épreuve.
Ça tient du consommé de bœuf et de chutney
Relevé en final d’un brin de céleri.
Albion a le secret d’une « bouffe » immangeable
Fabriquée à la base avec de bons produits.
C’est un don inhérent à la Grande Bretagne
Et pour y parvenir ça confine au miracle.
P.SELOS
Paris, Août 2013