Nazisme et grand capital
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07 février 2013
Sans vouloir déconsidérer le message humaniste du film de Chaplin, on peut quand même regretter que la caricature qu’il donne d’Hitler n’aide pas à comprendre pourquoi et comment un mouvement aussi répugnant que le nazisme soit parvenu au pouvoir légalement dans un pays considéré comme un des fleurons culturels de l’Europe.
On peut même penser que le succès qu’a rencontré ce film en Occident doit beaucoup au fait qu’il a contribué à faire oublier qu’Hitler et le nazisme n’ont dû leur victoire qu’à l’appui politique et financier des représentants des firmes les plus puissantes du capitalisme allemand.
Soutenu seulement par certains cercles de l’armée, Hitler et le parti nazi ont longtemps été marginalisés. Au point que leur putsch de Munich en novembre 1923 tournera à la farce lamentable. C'est que craignant une réaction trop vigoureuse de la classe ouvrière, la bourgeoisie souhaitait mettre fin à la République de Weimar et instaurer un pouvoir autoritaire, mais de manière constitutionnelle.
A partir de 1924, Hitler, qui a retenu la leçon, décide de lancer son parti dans les compétitions électorales - toutefois sans succès jusqu’en 1929. C’est alors que, la conjoncture se dégradant après une période de relative stabilité, les milieux les plus réactionnaires du grand capital se tournent vers le parti nazi.
Parmi eux, Emil Kirdorf fondateur du consortium houiller de Rhénanie-Westphalie et de la société minière de Gelsenberg, et Alfred Hugenberg, représentant la grande industrie de la Ruhr, qui deviendra le ministre de l'Economie du premier cabinet de Hitler. Grâce à ces nouveaux appuis financiers, le parti nazi peut diffuser plus largement et plus intensément sa démagogie sociale et ainsi devenir, aux élections fédérales de 1930, le deuxième parti du pays avec plus de 6 millions de voix et 109 députés.
Hitler et son parti avaient ainsi prouvé à la grande bourgeoisie qu’ils représentaient l’instrument dont elle avait besoin pour assurer une transition de la démocratie parlementaire à un régime ouvertement dictatorial. Pour parfaire sa respectabilité, le 25 septembre 1930, Hitler prête serment de fidélité à la légalité devant la Cour suprême du Reich et nomme à des fonctions importantes de son parti des hommes de confiance du capital financier parmi lesquels des représentants de la banque Schröder, de la Deutsche Bank, du groupe des aciéries Thyssen,...
Le 27 octobre 1931, devant un parterre de financiers américains, Carl Friedrich von Siemens, PDG de la firme Siemens, fait l'éloge des nazis et de leur volonté d'éradiquer le socialisme en Allemagne.
Toutefois, lors des élections fédérales de novembre 1932, le parti nazi perd 2 millions de voix et 40 sièges. Les grands industriels et des grands propriétaires terriens qui le soutiennent décident alors d’accélérer le mouvement. Le 19 novembre 1932, ils adressent une requête collective au maréchal Hindenburg, président de la République, lui demandant avec insistance la nomination d’Hitler au poste de chancelier.
Ce sera chose faite le 30 janvier 1933 après qu’une rencontre entre Hitler et l’ancien chancelier Franz von Papen, dans la villa du banquier Kurt von Schröder, ait permis de sceller les derniers arrangements.
30 janvier 1933 : Le maréchal Hindenburg, élu président de la République en 1932 avec le soutien du Parti social-démocrate, nomme Hitler au poste de chancelier du Reich
Source : Kurt Gossweiler, Hitler l'irrésistible ascension ? Essais sur le fascisme, Ed. Aden, 2006.
Jean-Pierre Dubois
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