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Publié par Christian Hivert

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4. L’enaction

 

La théorie de l’énaction (ou cognition incarnée) a été proposée dans les années 1980 par le biologiste, neurologue et philosophe chilien Francesco Varela (Varela 96). Varela propose le concept d'énaction pour appréhender l'action adaptative de tout organisme vivant à son environnement. En réaction au cognitivisme, l’énaction fait prédominer l’action et la boucle action-perception à la représentation. Ainsi la cognition, du point de vue de l’énaction, n’est pas la représentation d’un monde pré-donné mais l’avènement conjoint d’un monde et d’un être vivant à travers l’histoire des diverses actions et interactions accomplies dans le monde par cet être.

 

C’est la négation de l'idée d'un matériau ontologique du monde préexistant à l'action. L’énaction est au départ une théorie du vivant mais cette théorie peut être réinvestie dans d’autres champs de recherche. Par exemple en systémique, il découlerait de l’énaction qu’un système autonome n’est jamais un système isolé car il est nécessairement couplé à un milieu ambiant et que dans ce milieu il maintient et fait évoluer continuellement son organisation en dépit des perturbations occasionnées par le milieu.

 

Au sein des sciences cognitives l’énaction constitue un nouveau paradigme scientifique non plus inspiré par la métaphore de l’ordinateur comme dans le cognitivisme classique, mais inspiré par celle des organismes vivants. Ce paradigme unificateur des sciences cognitives qui vise la constitution d’une nouvelle communauté scientifique avec une réelle cohérence intellectuelle est en ce moment en pleine émergence. Ainsi en témoigne clairement la récente école thématique du CNRS organisée par l’ARCo (Association pour la Recherche Cognitive) du 29 mai au 3 juin 2006 à Ile d'Oléron (France) et intitulée « Constructivisme et énaction - Un nouveau paradigme pour les sciences cognitives »19.

 

Concernant le couplage personne/système, l’énaction conduit à examiner particulièrement la question des usages et des contournements d’usage dans l’interaction. Le contournement des usages par les utilisateurs n’est par principe jamais anticipé dans la conception des logiciels car seul ce pour quoi le logiciel est prévu est considéré. Pourtant l’informatique est depuis toujours un « lieu » de contournement d’usages par excellence car après tout les machines initialement conçues pour calculer servent aujourd’hui bien plus souvent à communiquer.

 

Par ailleurs les logiciels qui par leurs fonctionnalités permettent de faire évoluer les usages pour lesquels ils sont prévus rencontrent en général un grand succès. C’est par exemple le cas des traitements de textes. Aujourd’hui, on écrit plus de la même façon avec les traitements de texte qu’avec un crayon et une feuille de papier car on tape souvent partiellement des bouts de texte que l’on complète, que l’on déplace, que l’on met en forme ou que l’on reformule en plusieurs étapes. Cette nouvelle façon de rédiger n’est pas explicitement prévue par le logiciel, elle est induite de ses fonctionnalités par les utilisateurs.

 

Cela veut dire qu’elle s’inscrit dans des interactions et dans un couplage personne/système. Un autre exemple est celui des moteurs de recherche sur Internet que l’on peut tout à fait contourner pour vérifier si une expression se dit ou pas20 ou encore si une traduction est bonne ou pas21. Cette idée que l’interaction personne/système amène à re-concevoir les logiciels est celle recherchée dans ce 19 http://liris.cnrs.fr/enaction/ 20 Expérience faite sur Google le 22/8/06 : si on cherche l’expression "tirer avec des boulets rouges" on a 0 réponses alors que "tirer à boulet rouge" ramène 527 réponses. On sait alors quelle est la bonne expression. 21

 

Expérience faite sur Google le 22/8/06 : si on veut retrouver que la bonne traduction en anglais de traitement automatique des langues est Natural Language Processing, il suffit de comparer différentes recherches : "natural language processing" (4 910 000 réponses) et "natural language computation" (279 réponses). qu’on appelle les interfaces énactives pour lesquelles il existe maintenant un réseau22 de chercheurs et une conférence internationale23 spécifiquement dédiée. Le champ des applications numériques évolue avec les attentes actuelles des utilisateurs. La prise en compte de ces attentes et la façon dont utilisateurs s’approprient leurs outils au sein de sphères d’activités devenues numériques est une problématique informatique actuelle très forte qu’illustre bien le Web 2.0.

 

En fait de développer des logiciels et des machines comme cela a été massivement le cas jusqu’à présent, il convient de proposer des environnements d’interaction avec les utilisateurs et entre les utilisateurs eux-mêmes. Dans cet objectif, une simplicité conceptuelle et ergonomique des outils logiciels proposés aux utilisateurs est un atout pour un meilleur couplage et finalement de bien meilleurs résultats. En permettant de théoriser le couplage personne/système on pourrait considérer l’énaction comme une théorie qui sous-tend ou explique le Web 2.0 (à la manière par exemple de la théorie des ensemble qui explique les bases de données relationnelles). 5. Conclusions Les sciences humaines et les sciences cognitives nous incitent à envisager le document électronique de manière indissociable à l’activité du ou des humains qui les produisent, recueillent, indexent et recherchent.

 

Ainsi le champ de l’herméneutique nous montre à quel point les rapports intertextuels sont déterminants dans les interprétations des documents, et le champ de l’énaction nous montre en quoi ces interprétations sont situées et subjectives. Les nouveaux outils du Web 2.0 qui privilégient les usages par rapport aux vastes ontologies l’ont bien compris. Le courant du Web Sémantique porte l’idée que c’est l’ontologie (i.e. le matériau ontologique du monde, le réel ...) qui est commun dans l’intercompréhension entre les producteurs d’informations et ceux qui l’interprètent (quand bien même cette distinction serait valide). C’est faux. Ce sont les pratiques sociales et la culture qui sont au centre des mécanismes interprétatifs.

 

Si le Web 2.0 prend actuellement de l’ampleur, ce n’est pas tant parce qu’il a choisi une autre voie que celle de l’ontologie, mais bien parce qu’il est en appui sur des réseaux sociaux et plus généralement une culture. Relativement au domaine du traitement automatique des langues, il faut maintenant sortir d’une impasse scientifique qui chercherait une voie médiane entre une terminologie des concepts ou une conceptualisation des termes. D’une part, il faut redonner son importance à l’utilisateur car c’est lui en fonction de sa tâche, et plus particulièrement de son étendue (entre la recherche d’actualité sur le web et le classement d’un domaine), qui décidera de manipuler des termes ou d’utiliser des concepts.

 

D’autre part, il n’est nullement prouvé que les utilisateurs soient en attente de machines qui sachent extraire et « manipuler » le sens des textes. Il n’est d’ailleurs pas moins prouvé que les textes soient des réservoirs de sens (☺). Les usages sur le Web montrent autre chose. Les utilisateurs ont besoin d’outils qui participent à leur compétence interprétative propres interactivement via un couplage personne/système. Ce sont les utilisateurs qui « projettent » du sens sur les textes relativement à leur pratiques sociales et à leur culture. Une machine peut tout à fait aider un utilisateur dans ce but sans nécessairement devoir inclure une représentation du monde, vaste et incontrolable.

 

Pierre Beust

 

22 https://www.enactivenetwork.org/

 

23 http://www.enactive2006.org/

 

Références

 

Assadi H., 1998, Construction d'ontologies à partir de textes techniques – application aux systèmes documentaires, Thèse de doctorat en Informatique - Université Paris 6 (http://www.lip6.fr/lip6/reports/1998/lip6.1998.048.ps.tar.gz).

 

Beust P., 1998, Contribution à un modèle interactionniste du sens. Amorce d'une compétence interprétative pour les machines, Thèse de doctorat en Informatique – Université de Caen Basse Normandie (http://users.info.unicaen.fr/~beust/These/these.html).

 

Beust P., 2007, L’approche interactionniste en Traitement Automatique des Langues, une discontinuité épistémologique ? Journées de Rochebrune (Rencontres interdisciplinaires sur les systèmes complexes naturels et artificiels) "Catastrophes, discontinuités, ruptures, limites, frontières", Megève, France. ISSN 1242-5125 ENST S (Paris), p. 69-80.

 

Bourigault D., Aussenac-Gilles N., 2003, Construction d’ontologies à partir de textes, Actes de Traitement Automatique des Langues Naturelles (TALN), Tome 2, pp. 27-47.

 

Brassac, C., Stewart, J., 1996. Le sens dans les processus interlocutoires, un observé ou un co-construit ? Cinquièmes Journées de Rochebrune "Du social au collectif ", 29 janvier - 3 février 1996.

 

Charlet J., Laublet P., Reynaud C,. Web Sémantique. Rapport de l’Action Spécifique 32 CNRS / STIC, 2003.

 

Déjean H, 1998, Concepts et algorithmes pour la découverte des structures formelles des langues, Thèse de doctorat en Informatique – Université de Caen Basse Normandie.

 

Kerbrat-Orecchioni C., 1996, Texte et contexte, Scolia, n°6.

 

Lenat D., Guha R., 1990, Builing large knowledge based systems, Reading, Addison Welsey.

 

Minsky M., 1975, A framework for representing knowledge, In P. Winston ed., The psychology of Computer Vision, New-York, McGraw-Hill.

 

Newel A., 1982, The Knowledge Level, Artificial Intelligencen Vol. 18, p. 87-127

 

Perlerin V., 2004, Sémantique légère pour le document, Thèse de doctorat en Informatique – Université de Caen Basse Normandie (http://www.revue-texto.net/1996- 2007/Inedits/Perlerin/Perlerin.html).

 

Quilian M., 1968, Semantic memory, in M. Minsky : Semantic Information Processing, Cambridge, MIT Press, p. 216-270.

 

Rastier F. (1987). Sémantique interprétative. PUF : Paris.

 

Roy T., 2007, Visualisations interactives pour l'aide personnalisée à l'interprétation d'ensembles documentaires, Thèse de doctorat en Informatique – Université de Caen Basse Normandie (http://roythibault.free.fr/these/index.html).

 

(de) Saussure F. (1915). Cours de linguistique générale. (1986) Mauro-Payot : Paris.

 

Thomas R. Gruber - Towards Principles for the Design of Ontologies Used for Knowledge Sharing in Formal Ontology in Conceptual Analysis and Knowledge Representation, Kluwer Academic Publishers, 1993

 

Tim Berneers-Lee, James Hendler, Ora Lassila, The Semantic Web, Scientific American, May 2001

 

Varela F., 1996, Invitation aux sciences cognitives, Editions du Seuil.

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