Les sens contre l'Empire
L'être humain qui est pris dans une machinerie dont la finalité lui échappe ne peut qu'être malade, rogné dans sa dimension créatrice et utile.
En attendant les progrès prévisibles de la biotechnologie et des puces et intrants neurobiologiques, ce que "sait" l'être animal non transformé par la "science", c'est ce que "sait" tout être vivant : ses possibilités d'adaptation aux conditions du réel, aussi extrême et difficile soit-il, sont contenues dans ses gènes et utilisables.
Cela passe, pour ce qui concerne la chaîne animale, les découvertes les plus récentes y englobent les capacités sensitives du monde végétal, par une appropriation utilitaire, consciente pour l'être humain, et non-dénaturée des cinq sens.
De tous les sens, échangeurs d'informations et identificateurs.
Depuis les "expériences" nauséabondes issues des administrations de gestion carcérale, on connaît parfaitement les effets déstructurants de la privation sensorielle sur les détenus hautement surveillés : plus qu'inutiles, niés au plus profond d'eux-mêmes, ils deviennent fous, ils sont détruits.
Tout individu robotisé, aux sens déroutés, devra être re "programmé" dès que ses conditions de vie, d'expression et de production changent.
Si les cinq sens originels sont tellement corrodés qu'ils en finissent par disparaître au profit de sens d'apparat télé (vision)-guidés, l'individu n'existe plus.
Ce sont, pour autant que l'on puisse en être conscient, ces cinq sens naturels et profonds, issus de la lente maturation de l'évolution des espèces et fédérateurs de nos systèmes de survie, qui permettent l'adaptation nécessaire à notre existence dans ce milieu environnant et planétaire que nous modifions à grande vitesse.
Dans un espace naturel où l'on peut jeter le ressentiment devant ses sensations asphyxiées par la vie quotidienne, on rénove et décape ses instruments essentiels de découverte et d'adaptation, les sens à nouveau avertissent et alertent, ré alimentent, nous réapprennent à ne plus trembler de nos réactions, à tenir compte de nos états.
En gros, privés de nos sens, nous ne pourrions plus que suivre un troupeau consommateur de modes et de travaux privés de sens.
Quelle serait alors notre apparition individuelle au monde ?
Ce besoin vital de "sentir" l'utilité de sa propre personne prend tout son sens : nous existerions donc et nos sens enrichis enrichiraient la marche du monde.
Cette re-trouvaille sensorielle rétablirait un sens dans chacune de nos vies