Caudillos : ça les reprend
CATALOGNE : L’USAGE DE LA REPRESSION POUR FAIRE PEUR ET GAGNER LES ELECTIONS DU 21 DECEMBRE
Pour ceux qui feignait de douter encore, que faudra-t-il de plus pour que l’évidence éclate : l’Espagne n’a pas le comportement d’un pays démocratique et les droits des catalans sont bafoués.
Après l’emprisonnement des deux responsables des deux plus grandes organisations de masse (ANC et Omnium) de Catalogne, le Tribunal Constitutionnel de Madrid vient de décider l’incarcération de huit membres du gouvernement catalan et a lancé un avis de poursuite à l’encontre de son président, parti en Belgique. Le 9 novembre, les élus indépendantistes de la « généralitad » sont aussi dans le collimateur de la « justice » espagnole.
Comme par hasard, parmi les personnes incarcérés, Oriol Junqueras, présenté comme le favori des élections décidées par Madrid qui doivent avoir lieu le 21 décembre 2017.
Il ne fait aucun doute que l’espoir des « constitutionalistes » (droite, centre et PSOE) espagnolistes est qu’à coup d’incarcérations, de pressions, d’intimidations et de présence policière, le camp indépendantiste perde la majorité aux prochaines élections en faisant peur aux électeurs. En somme, une élection à la Erdogan !
Bien entendu, comme depuis le premier octobre, l’Europe et ses dirigeants regardent ce honteux spectacle sans rechigner et assurant au corrompu Rajoy de leur soutien indéfectible.
Comme sur la question des réfugiés refoulés en Turquie ou retenus en Lybie, l’Europe montre, avec la question catalane, son refus du respect des règles démocratiques ou de droit international quand ses intérêts de puissance occidentale sont mis en cause.
Il faut souligner que l’ensemble de la presse occidentale feint de croire que la situation est normale. D’ailleurs, elle ne cesse de parler de gouvernement « déchu », d’« élus destitués », bref d’individus sans droit et à qui tout peut arriver.
On nous explique que la justice espagnole est libre et indépendante. Mensonge éhonté et maintes fois démontré. C’est elle qui a couvert les actes de tortures commis sur les militants basques depuis des décennies. C’est elle qui dans le même litige a accepté que le gouvernement de Madrid monte des commandos pour aller assassiner des militants nationalistes basques à Bayonne et ses environs. La justice espagnole a gardé ses réflexes franquistes en dépit de quelques éclats lumineux comme les poursuites contre Pinochet ou les dictateurs argentins. A titre d’exemple, son juge phare, B. Garzon, a été suspendu, sous un prétexte fallacieux, onze ans de ses fonctions à la demande d’organisations d’extrême droite, pour la vraie raison d’avoir voulu enquêter sur les crimes de la période franquiste.
Le Tribunal constitutionnel espagnol n’est pas indépendant. Il rend des services au gouvernement de Madrid dès que les enjeux sortent du jeu politicien interne et mettent en cause les fondements de l’Espagne.
Il ne fait aucun doute que les responsables catalans ne vont pas bénéficier d’un procès équitable à Madrid.
Les responsables catalans qui sont poursuivis actuellement ont été élus en 2015 sur un programme politique très clair, à savoir la mise en application du droit à l’autodétermination du peuple catalan. Tous leurs actes de leur élection à leur destitution ont été pris en conformité avec leur engagement.
Aujourd’hui, la « justice » leur reproche simplement d’avoir respecté leur engagement politique.
Parmi les accusations reprochées aux militants catalans, deux attirent l’attention.
L’un d’entre eux est l’accusation de « détournement de fonds publics ». Dans une Espagne dont l’élite politique est particulièrement corrompue, avec le silence de l’appareil judiciaire, cela est pour le moins ironique. D’autant que le détournement qui est reproché tient simplement au fait qu’il est reproché aux élus catalans d’avoir voté dans le budget régional des sommes affectés à l’organisation du référendum du premier octobre !
Une autre accusation est celle de « rébellion ». C’est la seconde fois qu’elle est utilisée en Espagne. La première fois, elle l’avait été contre les militaires qui avait tenté un coup d’état en 1981 en attaquant les Cortès. Ce crime passible de 30 ans de prison contient dans ses éléments constitutifs l’utilisation de la violence. Or, même les plus rétrogrades soutiens de Madrid admettent que le gouvernement catalan n’a jamais appelé ou utilisé la violence.
Enfin, ils sont aussi accusés de sédition, ce qui en soit est dans la logique de la lecture de la constitution espagnole qui nie l’existence de tout autre peuple que le peuple espagnol.
Le gouvernement madrilène et ses soutiens pensent qu’à travers la mise sous tutelle de la région et cette répression terrasser le mouvement indépendantiste catalan.
C’est un pari à courte vue car même en gagnant, par des méthodes antidémocratiques, les élections du 21 décembre, les « espagnolistes » ne pourront rayer la Catalogne de la carte des Nations Opprimées.
Le mouvement indépendantiste catalan est si profond et vient de si loin qu’il saura trouver à plus ou moins long terme les ressources pour surmonter les épreuves actuelles.
En attendant, il est clair qu’il y a au moins 10 prisonniers politiques en Espagne et il faut se battre pour leur libération.
Le 3/11/17
R. CONSTANT