VOLEURS D’ENFANTS : P.SELOS
VOLEURS D’ENFANTS.
Un demi-siècle après, la République avoue
Avoir organisé un crapuleux trafic
D’enfants réunionnais volés à leur famille ;
D’après un plan conçu par un premier ministre.
Les services sociaux s’acquittèrent avec zèle
De fournir le quota qui était demandé.
La plus part des parents qui ne savaient pas lire
Signèrent sans le savoir des actes d’abandon.
Il leur était promis que leurs fils et leurs filles
Auraient en métropole un brillant avenir,
Qu’ils iraient à l’école et feraient des études
Et qu’une fois par an, ils pourraient revenir.
En fait il s’agissait de repeupler la Creuse,
Puisant dans le trop plein d’une population
Dont l’extrême misère était une menace
À l’égard des planteurs et des institutions.
C’est ainsi qu’arriva sans transition aucune
Dans le froid de novembre un premier contingent
D’enfants déracinés comme oiseaux des iles
Pour servir de main d’œuvre corvéable à merci.
Bien peu eurent la chance d’être bien accueillis
Par de braves familles les croyant orphelins
On en plaça souvent dans des fermes perdues
Pour soigner un bétail qu’ils n’avaient jamais vu.
Pour un fermier cupide il n’était pas question
Qu’un gamin de couleur se nourrisse à sa table.
Il dormait dans la paille à coté de l’étable
Revêtu d’une blouse et de culottes courtes.
Les petits paysans venaient toucher sa peau,
Pensant trouver alors des traces sur leurs mains.
Les adultes riaient en le traitant de singe,
Il portait des sabots, pieds nus dans des chiffons.
Sur ces destins brisés la France enfin se penche.
On émet des regrets, on parle résilience
Pour un crime sans nom contraire à la morale
Qui ne saurait trouver de justification.
Monsieur Michel Debré pouvait dormir tranquille,
Une constitution pour livre de chevet.
Le déshonneur n’est pas toujours un handicap
Lorsqu’il est maquillé par la raison d’état.
P.SELOS
Paris, le 16 Février 2014