Un signe qui ne trompe pas
1916
Extrait de « Cours de linguistique générale »
Le signe linguistique
Signifiant – Signifié
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Le signe linguistique [1]
Le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique. [...] Nous appelons signe la combinaison du concept et de l'image acoustique : mais dans l'usage courant ce terme désigne généralement l'image acoustique seule, par exemple un mot (arbor, etc.). On oublie que si arbor est appelé signe, ce n'est qu'en tant qu'il porte le concept « arbre » de telle sorte que l'idée de la partie sensorielle implique celle du total. [...]
Le signe linguistique est donc une entité psychique à deux faces qui peut être représenté par la figure :
Ces deux éléments sont intimement unis et s'appellent l'un l'autre. Que nous cherchions le sens du mot latin arbor ou le mot par lequel le latin désigne le concept « arbre », il est clair que seuls les rapprochements consacrés par la langue nous apparaissent conformes à la réalité, et nous écartons n'importe quel autre qu'on pourrait imaginer.
Nous proposons de conserver le mot signe pour désigner le total, et de remplacer concept et image acoustique respectivement par signifié et signifiant ; ces derniers termes ont l'avantage de marquer l'opposition qui les sépare soit entre eux soit du total dont ils font partie.
Signifiant – Signifié [2]
Le lien unissant le signifiant [3] au signifié [4] est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par signe le total résultant de l'association d'un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement : le signe linguistique est arbitraire.
Ainsi l'idée de « soeur » n'est liée par aucun rapport intérieur avec la suite de sons s-ö-r qui lui sert de signifiant ; il pourrait être aussi bien représenté par n'importe quel autre : à preuve les différences entre les langues et l'existence même de langues différentes : le signifié « boeuf » a pour signifiant b-ö-f d'un côté de la frontière, et o-k-s (Ochs) de l'autre [...].
Le mot arbitraire appelle aussi une remarque. Il ne doit pas donner l'idée que le signifiant dépend du libre choix du sujet parlant [...] ; nous voulons dire qu'il est immotivé, c'est-à-dire arbitraire par rapport au signifié, avec lequel il n'a aucune attache naturelle dans la réalité.