MAISON DU NORD : Pierre Selos
MAISON DU NORD.
Il a suffi d’une bourrasque
Forte à vous décorner les bœufs
Pour que ce vent là me ramène
D’un coup dans ma maison du Nord
Sur une rue à gros pavés.
J’ai tout revu dans l’instant même.
Comme alignée entre deux livres,
Etroite et haute, en briques rouges,
Elle mitoyait contre le froid
En s’épaulant sur ses voisines.
Dès qu’on avait poussé la porte
Et celle du bout du couloir
La grosse cuisinière en fonte
Vous assaillait de sa chaleur,
Et l’on rosissait à vue d’œil.
Le carillon sonnant les heures
En les doublant façon Big Ben
Interrompait les visiteurs
Sans souci de la politesse.
Et ça ne dérangeait personne.
Afin de réchauffer les chambres
L’imposte en bas des deux étages
Restait en permanence ouverte
Sur les escaliers-toboggan
Quand on y manquait une marche.
Le salon regardait la rue
Ensuite venait la cuisine,
Que prolongeait la véranda
Prise en partie sur le jardin.
A l’extérieur, les cabinets.
La porte en bois percée d’un cœur
Avait l’hiver un avantage
Car on ne s’y attardait pas,
Surtout s’il gelait à pierre fendre,
Ce qui était souvent le cas.
Pourtant l’été voyait fleurir
Le cyclamen et la glycine
Qui bordaient la petite allée
Qui conduisait à l’atelier
Pour des éternels bricolages.
Je crois n’avoir rien oublié
Je pense être resté fidèle
Comme le suis à mon passé.
P.SELOS Paris, Janvier 2013