Les medecins des prisons nazies
tiré de
27.04.2011
Crise de l'évaluation : Guantánamo (I)
La crise de l'évaluation scientifique, technologique, économique, médicale... est, de toute évidence, un phénomène majeur de la société actuelle et de la crise plus globale de cette dernière. Le 27 avril, l'AFP diffuse une dépêche intitulée « Séisme : Standard and Poor's menace de dégrader la note du Japon ». Une notation qui porte sur les perspectives économiques, et sur laquelle Le Monde écrit dans une lettre d'information « Japon : perspective négative de la dette, coût élevé du séisme ». Mais qui notera les « experts » et les « gestionnaires » qui n'ont pas su prévoir et empêcher la catastrophe nucléaire de Fukushima ? Qui analysera les intérêts et les pressions qui ont pu influencer les évaluateurs du risque nucléaire avant cet incident destructeur, les éventuelles entraves à la transparence... ? Et qui osera évoquer la responsabilité des « experts en Economie » japonais qui ont soutenu la politique de délocalisations de ce pays ? Un article de Médiapart avec le titre « Tchernobyl : la controverse des chiffres et le syndrome japonais » dénonce à son tour un « climat scientifique imposé par l'industrie de l'atome », alors qu'un point de vue de l'historienne Miho Matsunuma publié par Le Monde alerte : « Attention, un deuxième Fukushima n'est pas exclu ». Dans un autre domaine, L'Express rappelle encore le scandale du Mediator avec « des experts amis des laboratoires, des essais cliniques tronqués ». Sur le gaz de schistes, Altermonde-sans-frontières évoque de son côté « un épouvantable rapport d’étape » (remis au gouvernement le 21 avril par la Mission d’inspection sur les gaz et huiles de schiste) et dénonce « le monopole de l’expertise technique ». Et que penser des « experts » de l'économie qui pendant des décennies ont cautionné et encouragé l'évolution destructrice conduisant à la crise actuelle, ceux qui ont ouvertement soutenu la politique de délocalisations dans l'ensemble des pays « riches » ... ? C'est dans un tel contexte social et institutionnel que, se référant à un cas particulièrement dramatique de défaillance des experts qui vient d'être dévoilé dans l'affaire de Guantánamo, l'AFP écrit « Guantanamo: les médecins militaires ont "fermé les yeux" sur la torture ». Les médecins et psychologues de la base auraient eu un comportement partial, « ne cherchant pas à connaître l'origine des maux dont souffraient leurs patients ». A l'origine de l'information se trouvent deux articles publiés par PLoS Medicine, intitulés « Medical Complicity in Torture at Guantánamo Bay: Evidence Is the First Step Toward Justice » et « Neglect of Medical Evidence of Torture in Guantánamo Bay: A Case Series ».
A quel prix fait-on carrière dans le monde des « experts » et des « évaluateurs » ? Jusqu'où vont les pressions pour que les avis, les rapports et les évaluations aillent « dans le bon sens » ?
Pendant des décennies, les pouvoirs politiques et économiques ont fait taire les citoyens avec des arguments du genre : « les experts sont d'accord », « des experts s'en chargent », « il y a eu un rapport très détaillé », « c'est l'avis unanime d'un comité très sérieux », « une commission s'est réunie », « l'affaire a été suivie... », « tous les risques éventuels ont été examinés par des spécialistes », « tel savant très prestigieux l'a dit », « les inspecteurs ont été formels », etc... C'était l'argument massue.
Mais aujourd'hui, les citoyens sont bien obligés de tenir compte des évidences. La catastrophe nucléaire de Fukushima n'étant qu'un exemple d'une ampleur exceptionnelle mais qui avait été précédée par celle de Tchernobyl ving-cinq ans plus tôt.
Où étaient passés les « experts » pendant ces deux décennies et demie ? Quelles mesures de précaution à l'échelle planétaire ont fait suite à l'accident de Tchernobyl ?
Qu'il s'agisse de populations entières ou d'individus, les victimes de la crise de l'évaluation deviennent de plus en plus nombreuses et le problème ne fait que s'aggraver. La crise générale de l'évaluation est avant tout celle de son indépendance et de ses garanties d'impartialité : il s'agit donc d'une crise du système.
Précisément, un suivi médical comporte un travail essentiel d'évaluation. A fortiori, s'agissant des détenus isolés dans une base militaire comme celle de Guantánamo, par rapport auxquels la responsabilité des experts médicaux est particulièrement importante. Quelles étaient les garanties de leur indépendance et de leur objectivité dans une tâche aussi délicate ?
Dans leur éditorial « Medical Complicity in Torture at Guantánamo Bay: Evidence Is the First Step Toward Justice » :
http://www.plosmedicine.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%...