LE QUOTIDIEN : PIERRE SELOS
LE QUOTIDIEN
Je suis le quotidien, miroir de notre époque,
Mes gros titres sont faits pour piéger le chaland.
Ne cherchez pas toujours de vérité dedans,
Ça n’a pas d’intérêt, le lectorat s’en moque.
Ce qu’il faut c’est du sang et de la catastrophe,
Du sexe croustillant et de l’indignation,
Un peu de calomnie pour plaire à l’opinion
Et l’article éclairé d’un pseudo philosophe
J’affirme à qui me croit mon impartialité
Et les contradicteurs ont droit à la parole ;
Ainsi aucune idée n’exerce un monopole
Au pire, on la lira dans un entrefilet.
Le nombre de colonnes est fonction des tendances
Les groupes de pression souvent me manipulent
Je pratique avec eux l’avance et le recul
Le grand écart et les pressions sur la balance.
Le plus préoccupent c’est de trouver le vent,
Celui qui soufflera au changement de cap
Dans l’art de louvoyer il faut être savant
Être du bon côté quand on tire la nappe.
Enfin, puisque l’argent est le nerf de la guerre
Il me faut prospecter de la publicité ;
Il m’importe fort peu qu’elle soit mensongère
Si c’est à son pouvoir que je dois d’exister.
Au bordel des médias, je flatte vos désirs
A toutes vos envies, mes pages sont ouvertes
Dans ce marché persan vous n’avez qu’à choisir
Vitale ou superflue, la demande est couverte.
P.SELOS
Paris, Décembre 2012