La révolution de Gaëlle
Le banni, un fils de classe moyenne indifférencié, petit fils de prolo moyen, réfractaire aux valeurs du processus instauré depuis un demi-sciécle et tentant , avec une bande de conspirateurs clandestins , de faire de l’an 2042 de l’ére chrétienne l’an premier d’une nouvelle ére de l’humanité ; le jeune formé, un fils de parvenu, petit fils de paysan; le parvenu, père d'un jeune rebelle qu'il aimerait bien un peu plus docile. Le planqué dans un trou à rat, prolo depuis des générations comme tous ses potes sauvages urbains. Le professeur, jeune intellectuel idéaliste aux racines obscures. Là-bas, dans la ville aérée de leur choix, Paris ou autre, ce sont des parvenus ou de bons bourgeois avec leurs domestiques solidement encadrés. Plus bas dans les villages, les résidus d'un autre âge, musée vivant des temps anciens ! Dans la cité sous-marine, mutants d'un ordre nouveau, en conformité avec les règles naturelles de la vie imposées par Dieu, revues par l'homme. En harmonie parfaite et rigoureusement pesée avec les principes chiffrés scientifiquement par les maîtres du NIE, les ordinateurs de l'Ubavère et des féodaux. Nous revoici dans le bain, bientôt dans la peau d'un valet radioniqué, sous l'effet spécial d'un neurotransmetteur émotionnel électronique de domination à distance ,faisant sa cour à une jeune fille du village dénommée Gaëlle. Le but de ce folatrage télécommandé étant de placer Gaëlle auprès du garçon à contrôler sans qu'elle ne s'en doute elle même. Voilà qui est complexe à déchiffrer non ! Mais est-ce utile après tout ! Chacun et chacune peut avoir sa petite idée là dessus !
Disons simplement qu'il savait parfaitement comment agir sur les perceptions neuronales et sur les sécrétions hormonales de sa victime qu'il avait réduite en esclave de ses désirs indiscernés, son métabolisme adolescent réclamant les bienfaits et les paisirs que procure l’instinct de reproduction imposé à toutes especes vivantes par Dame Nature . Elle ne pouvait plus agir qu'en fonction de la satisfaction unilatérale de son valet et maître dont savait se servir avec discernement le valet radioniqué. Et son plaisir semblait être qu'elle s'intéresse au jeune garçon, de le captiver, capturer. En lui donnant l'impression que tout le mouvement vient de lui. Jouer sur tous les instincts et principalement sur celui de l'accouplement fait miroité. Se faire désirer sans ne jamais rien offrir de son corps et mépriser l'acte charnel au point de mépriser le désirant, sans cela elle n'aurait pas le courage d'être chienne et de vouloir dominer ! Misérablement, pour plaire à son chevalier maquereau, conscience abolie ou maîtrisée, se soumettant, rampant, s'agenouillant devant une froide radio mécanique de pouvoir dont les enjeux et les fruits lui échapperaient toujours, mais y puisant les sources d'un plaisir pervers d'assouvissement de ses instincts de férocité cruelle. Ravissement d'y trouver son compte animal en quelque sorte. Et surtout ne jamais lui laisser voir que c'est elle qui s'intéresse à lui. Serge bien entendu n'y comprenait rien mais tombait lentement sous la coupe de cette fille qu'il avait, il s'en souvenait maintenant , toujours désirée, aimée!
Le banni pianotait avec le clavier de Serge, se connectait aux fichiers de données diverses, explorait les disponibilités de l'appareil. A vue de nez ce n'était pas la bécane d'origine, elle avait été largement débridée, c'était finement fait, elle n'était plus aux normes obligatoires, mais il fallait être un expert pour le savoir, le maquillage tenait la route. La fenêtre du salon baillait aux oisillons qui piaillaient et le temps, maussade, hésitait. Ah si ses neurones pouvaient fonctionner aussi bien que cette machine et ses composants électroniques. Par moments, il lui semblait tourner en rond, cherchant l'idée, la décharge haut voltage du condensateur. Ne disait-on pas que l'homme était une fabuleuse mécanique? Et qu'en faisait-on ? Quand il explorait les buts fixés, le pari fou entretenu, le sens de sa mission lui procurait du courage garni d'aléas. Il repensait à ces quelques jours passés en famille, entre le papy et le petit fils, les présentations aux gens du village, les éventualités d'actions prévues étaient au rendez-vous. Un spleen l'envahissait, tout était si calme, paisible, amorphe pourrait-on dire, et cette tranquillité lui faisait défaut. Quand il avait "choisi" la rupture avec le processus, il savait que tous ces éléments lui manqueraient à vie, que l'instabilité et le goût des probables l'empêcherait à tout jamais de connaître ce repos d'insouciance. Cette acceptation du réel faisandé, imposé, comme s'il était désiré, naturel, le contrarierait souvent autant qu'il envierait ceux qui s'y laissaient aller.
Mais son espoir, comme un fantasme toujours alimenté, jamais assouvi, le rendrait plus riche, plus averti, plus compréhensif. Et jamais ne vivra, que verra ? Comme une vis sans fin, aspirant, rejetant, macérant, toujours restant dans le même volume spatial. Un travail de titan avec des aptitudes de fourmi. Et ne jamais savoir à l'avance, jamais être sûr, juste penser que, avoir conscience de n'être qu'une partie infime du savoir nécessaire, faire des erreurs, précisément parce que faire. Et combattre toujours ce qui verrouille, en lui, en dehors de lui, débrider, constamment hors-normes, hors-principes, hors-loi, hors-soumission, hors lui-même. Difficultés impalpables de vouloir gagner toujours plus d'existence en densité. Le matériel comme outil, jamais autre chose que servant à ! et démultiplier les possibilités d'agir, de casser l'horizon. Franchir le rideau d'étoiles ! Tout en rêvassant, il était tombé machinalement sur le listing de la flotte ordinatricielle du village, à compléter probablement, chacun bidouillant avec plus ou moins de bonheur. Il prit quelques notes, bailla, s'étira, se gratta pesamment la couille gauche, se sourit à lui-même en remontant jusqu'au nombril, et poursuivit sa recherche. Dans l’après-midi il décida d’aller voir le vieux Tivlet et de lui tirer les vers du nez . Histoire de se remettre en contact le plus rapidement possible avec la réalité du village .