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Publié par Christian Hivert

Toute à la fête de cette nouvelle naissance, Reine n'avait rien suivi de la négociation en cours, mais Nora paraissait bien s'en tirer, elle était enjouée et papillonnait sur tous les sujets, le journal verrait le jour et elles auraient leur emploi, un boulot calme, une certitude d'avenir.

 

Reine pensait aux forces fondamentales poussant l'Univers, la poussaient-elles vers Arthur, il était trop tôt, ces forces dont procèdent tous les êtres vivants sans exception, du plus simple, l'unicellulaire, au plus complexe, l'Homme, elles assurent la permanence de la vie, sont le mystère.

 

Reine ne s'en servait que pour un plaisir lascif dont elle se sentait de plus en plus prisonnière, et Arthur venait de débouler dans sa vie tandis qu'elle commençait à s'ennuyer entre les sexes de ses amants, il saurait la comprendre, ne pas la juger, l'accompagner, même de loin, il ne l'oublierait pas.

 

Si Arthur s'intéressait à elle et c'était parti pour, elle ferait de son sexe une œuvre d'art, l'énergie des natures et des dix mille formes entre le Ciel et la Terre, dans la nature une seule activité immerge et fait vibrer tous les êtres vivants, l'union du féminin et du masculin, le sexe, la vibration éternelle.

 

La simple observation permet de constater que partout et en toutes saisons, ce n'est que parade amoureuse, Reine se voulait très naturelle, animale et gourmande, l'abeille et le champs de fleurs, l'Univers ne fait pas de manières, elle voulait cette vaste orgie, cette union cosmique.

 

Elle ne croyait pas à l'obligation de la reproduction, c'est manquer là de poésie, elle avait une chance d'être née dans une bonne période historique, elle pouvait se protéger, se permettre d'aller immédiatement au but, tout de suite, dans un ballet ininterrompu de séduction et d'envies, la jouissance.

 

La Nature spontanément créatrice ne peut depuis toute éternité et jusqu'à la fin des temps, faire de l'acte sexuel une œuvre d'art, mise en scène du désir réciproque, dans l'ivresse du jeu de séduire et d'être séduit, de la fusion créatrice des amants, Reine le pouvait, le faisait, le voulait.


Tous les êtres vivants participent allègrement à cette union généralisée du féminin et du masculin, même les mouches sur la table copulaient sans discontinuer, la Nature est profondément érotique, les chorégraphies amoureuses ne sont certainement pas des jeux de hasard, c'est quantique.

 

 Ainsi une seule et même force pousse Reine et Arthur l'un vers l'autre sans qu'ils n'y puissent rien, allaient-ils devenir les parties opposées et complémentaires, indissociables, d'un ensemble édifiant de transcendance érotique, de l'érotisme sans sexe, un mariage de candeurs, un nouveau conte?

 

Parvenir à une relation sage comparable à l'accouplement des libellules, la parade nuptiale d'oiseaux, la cour du lion à la lionne, créer des  beautés transcendantes à couper le souffle, un nouvel érotisme qui soit une invention humaine, cérébrale, peut-être l'âme de la nature.

 

L'acte sexuel n'est  pas un simple processus biochimique, c'est une source  infinie, un euphorisant naturel, dans une nature amorale, là où il n'y a que liberté et spontanéité essentielle, équilibre, harmonie, longévité, bonheur, développement de tous les dons et ivresses possibles, devenir deux.

 

L'être humain n'a finalement d'autre destin que de participer joyeusement à ce grand jeu universel du féminin et du masculin, comme tous les autres êtres vivants, les animaux sont soumis à une codification de leurs rites amoureux  à laquelle il ne leur est pas possible d'échapper, sauf.

 

Reine était douée d'imagination, elle avait une connaissance des jeux de la séduction et une envie permanente d'en inventer, il ne lui serait pas convenable de copuler pour se reproduire, elle voulait le plaisir, jouir sans enfants, se hisser à sa dimension la plus élevée, dépasser l'orgasme.

 

Non pas seulement faire l'amour, jouir, simple affaire d'organes et d'hormones, mais réaliser le destin, faire vibrer l'esprit, retrouvailles brillantes, participer  à l'union du Ciel et de la Terre, du Soleil et de la Lune, de la nuit et du jour, à l'infini dans le perpétuel orage orgasmique universel.


Cette douce faim de leurs corps et de leurs esprits brûlait leurs ventres et les poussait hors d'eux, le sexe est la graine, l'amour est la plante, Reine désirait se bâtir réciproquement, confiante et sans crainte vis à vis d'Arthur, sans ego, sans rien vouloir  d'autre que son attention émue.


Reine supposait l'acte sexuel destiné à une très haute fonction que ni science ni médecine ne pourraient jamais découvrir, quantifier, analyser, ce mystère restera inexpliqué, c'était  pour faire renaître l'autre à lui, à son autre, pour une réconciliation sans arrière pensée, pour le don.


Ses orgasmes étaient plus qu'un banal plaisir de la chair, atteignaient une autre dimension la rendant bien plus puissante, sans aucun état de fatigue ni de dépression, dans un engendrement, dans la distribution harmonieuse de la croissance et des embellies, création d'énergie.


Pratiquant l'art des émois et de la chair dans l'ici et maintenant, Reine se replaçait  dans l'ordre de la Nature et dépassait largement le simple cadre de la nature humaine copulante mais embrassait le Cosmos dans tous ses sens, ils seraient beaux, elle le savait, percevait Arthur.


Arthur était sur un petit nuage, il venait de partager son après-midi entre les deux sœurs, à les entendre parler d'imprimerie, de maquettes, de films, de saisies et de photos, il y eut par la suite d'autres matinées, après-midi et soirées, il était leur invité et compagnon permanent, attitré et bienheureux.


Dominique Premier enfin se faisait moins présente à son esprit, il parvenait à se remplir de la vie environnante, mais elle ronronnait en sourdine, "Te voici enfin casé, tu vois bien que tu peux te passer de moi" semblait-elle lui murmurer, "Bien obligé, tu es si lointaine, volontairement distante".


"Pourrais-je jamais t'oublier un jour, un jour enfin supporter toutes les injustices les plus basses et les plus ignobles, oublier les espoirs de l'époque de nos émois adolescents, supporter les trahisons multiples des futurs, oublier la fraicheur de tes convictions d'alors, nous voulions un autre monde". 

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