Fête des mères en puritanie
"Les puritains de notre époque ressemblent à des vautours déplumés et menaçants. De leurs becs gluants de vérités sommaires pendouillent en permanence les lambeaux de nos espoirs les plus fous, arrachés sur le corps vivant encore.
Ce ne sont plus des charognards, les charognards attendent la mort au moins avant de dépecer.
Des mutants d'une époque nouvelle où la facilité des bouton-poussoirs induit une réalité d'apparat où ne se pose jamais la question du "Comment ça marche ? ".
Ca marche ! Tais-toi ! Pourquoi réfléchir ? Un mode d'emploi, deux trois recettes, et on fait semblant de vivre. A l'heure actuelle, personne, malheureusement n'y échappe, seule la réalité est autre et désaliénée, or elle se trouve hors de portée de qui que ce soit. Le pire-que-charognard-puritain, lui, est certain de vivre dans la réalité.
C'est cette certitude là qui lui permet de nous arracher par lambeaux les morceaux de la vie que nous pourrions avoir.
Sûr de lui il vient nous retirer systématiquement tout rêve et tout désir. S'imaginant majestueux alors qu'il n'est que pitoyable, s'imaginant pur alors qu'il n'est que nauséabond, s'imaginant juste alors qu'il n'est que pervers, s'imaginant supérieur alors qu'il n'est que chétif, tellement meilleur alors qu'il n'est que piteux, il prend malgré tout son envol, à chaque battement d'aile assène ses vérités en sens interdit, débusque le plaisir et la vie, tournoie autour, indigné de n'y trouver sa part, se renfrogne et vitupère ses imprécations blessantes, puis fond sur une proie au hasard, bec et ongles en avant, sans chercher à comprendre, "est-ce qu'il n'y aurait pas une part pour moi ? ", peu importe, il est certain qu'on lui refusera, alors, pour faire mal, pour blesser, l'oeil luisant de haine, il se sent fort, il arrache, il dépèce, il embarque ; ce qui vivait se trouve amputé, déstabilisé, rogné, ce qu'il pensait prendre de vivant à consommer n'est plus que chair inanimée, inutilisable, changé en mort, c'est cela son plaisir immense, alors ivre de gloire, le bec sanguinolent, il goûte le pouvoir, et peut se dire : "Sans moi, ils ne peuvent vivre, ils ne s'amuseront pas, je suis le plus fort, ils me doivent obéissance ".
Summum de sa puissance, il jouit enfin, l'impuissant retors !".