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Publié par Christian Hivert

De l’autre côté de la rivière


Récit à trois



Claude Fleutret : peintures, dessins

Muriel Le Strat
: photographies

Christian Hivert
: textes





Signes


Arthur était à sa place favorite, tôt le matin de ce jour, un rayon de soleil paresseux lui chauffait le bout du nez et enveloppait son bien-être d’une ouate tiède et bienvenue, affranchi de tout préjudice, l’univers l'enserrait dans ses cordes, il humait paisiblement le monde.

Cela ne lui demandait plus aucun effort maintenant de ne rien ressentir, de faire le simple constat de ses absences d’émotions, observer un état d’indifférence polie face à la communauté organisée des humains ses frères, dénué de tout but, dénoué, parfaitement sans intention.

Il était bien, il était accroupi et calme, ou plutôt apaisé désormais, jamais plus on ne pourrait le surprendre à s’émouvoir, quelle raison aurait-il eue de le faire sur cette terre, cela il l’avait fort bien compris, il n’avait que faire des émotions, impavide par suite de trop de douleur.

Il était là, sur la berge rocheuse, dans une sorte d’accroupissement ahuri, seul, ses respirations rythmaient son désir d’oubli et les divers bruits extérieurs soulignaient le silence de son esprit, largement recherché, abondamment nécessaire, immobile oeuvre de survie.

De ce côté-ci de la rivière, seul de son espèce mammifère, et tout était bien, cela n’avait pas été simple, cela avait pris du temps, cela avait coûté des tourments,mais maintenant tout était bien, les problèmes étaient résolus, sans embrasements ni luttes, il était en ce moment tranquille.

De bruit et de fureur, point, une sérénité nouvelle et précieuse, impassible et immuable, une envie incongrue de se fondre dans toutes les parties, de ne plus être rien qu’être, sans attentes ni espoirs, comme aux origines, avant les temps des Histoires, comme au coeur des étoiles.

Depuis les planètes soeurs des galaxies jusqu’aux dernières régions imaginaires des univers quantiques, il n’était pas de monde où l’énergie ne fut matière, les masses l’absorbaient entier, elles étaient sa vitalité, les rochers, les arbres, posés, le retenaient du côté des forces antiques.

Il semblait encore engourdi comme au sortir d’une bien étrange et longue maladie, comme si toute sa vie jusqu’alors n’avait été qu’une longue maladie, une véritable narco-dépendance, un intense supplice de toutes ses fibres, une asphyxie lente et entêtée, tous ses fluides comme figés.

Le stupéfiant puissant provenait de l’intérieur de son corps, en réaction continuelle aux agressions dont il se sentait victime, jusqu’à ne plus vouloir vivre, jusqu’à se réfugier au plus loin de toute zone de passage du moindre bipède humain, tout au bout de ce sentier.

Ici, de ce côté-ci de la rivière, pour s’abriter et survivre encore sur terre, comme aux temps anciens, comme de tous les temps, comme accueilli et soutenu par la forêt voisine, frère des réfugiés des persécutions historiques, protégé contre toute agression, encore indemne, respirant.

Un peu de vent frais lui époussetait les narines, par souffles délicats et réguliers, des effluves lui ébouriffaient les muqueuses nasales, des rumeurs assourdies caressaient ses vibrations, il se sentait fondu dans un amas phénoménal d’ondes, souverain, disponible, prêt aux aventures.

Il était immobile, dans une position lui faisant du bien, venue de l’antiquité des âges humains, encore en vogue chez certains survivants issus des peuples disparus du monde actuel, l’accroupissement lui garantissait une instable douceur, une détente depuis si longtemps espérée.

En alerte et de guingois, l’esprit quasiment vide, il respira profondément par le ventre, ses humeurs circulaient sans entraves, la pulsation de son coeur le faisait osciller en équilibre sur ses os, il aimait bien cette position, détendu et fort, le rocher et sa mousse, l’arbre et ses feuilles.

Maintenant tout le monde s’assoit comme tout le monde, sur un siége, le meilleur, bien moelleux, si possible chauffé conséquemment par un prédécesseur dont on prend la place, et tout le monde regarde agoniser les peuples accroupis dans leurs pays sauvagement détruits au journal télévisé.

S’accroupir marquait selon lui une différence, une évidence, le bien-être était quasiment immédiat et le soulagement ressenti autorisait toutes les confiances, concédait une chance inconnue de toute histoire vécue, considérer l’agitation se fatiguer, dans la vigueur apaisée des sages.

Il regardait les peuples agoniser au journal télévisé, la lucarne étincelante happait son regard, le décalage permanent des commentaires avec la réalité filmée effrayait son éthique personnelle, les journalistes ne pouvaient faire autrement, ils faisaient leur travail, sagement, honnêtement.

Il percevait le pépiement de la rivière dite « ravine » à ses pieds, ses bruits de goulot se gargarisant et ses écoulements chuintés entremêlés de jets vivement giclés anesthésiaient l’espace, la timide partition sonore des charbonnières multicolores encourageait le matin à éclore.

Il chantonna sans y prendre garde, délivré du contrôle de lui-même, libéré d’une obligation de résultat, sans comptes à rendre ni qualités à valoriser, spéculations d’avenir estompées, vague et malléable dans la fraîcheur matinale, vigilant et immergé, reposé et alerte, joyeux, réveillé.

Sans angoisse enfin, comme au détour d’un long périple foisonnant de péripéties on découvre l’oasis florissante, l’accueil chaleureux des nomades des steppes, les enfants curieux entourant et bondissant, le partage des jeux et des chants, dans la paix des tentes, fort, il attendait les signes.

Une végétation buissonnante bondissait en volutes cendrées et ombrées jusqu’aux arbres de la forêt plus haut, sur la crête vers le soleil, par-delà le regard dans le bruissement furtif, léger et troublant de l ‘air multifère, les éléments tempéraient flore, faune et créatures, il patientait, accroupi.

Un vieux châtaigner malade dressant ses bois nus, comme un cerf fier, semblait lui dire, cela fait plus de mille ans que nous nous sommes installés dans le pays, certains ont trouvé notre trace au Miocène, pour dire, nous pourrions nous croire d’ici, notre patience nous est racinaire.

En nous cultivant, nous soignant, nous greffant, nous sélectionnant, l’Homme et ses troupeaux ont vécu de nous pendant plusieurs siècles, certains veulent continuer, nous sommes dans toutes les maisons, découpés, équarris, assemblés, façonnés en charpentes et menuiseries.

Centre d’une civilisation séculaire, parfois laissés à l’abandon, nous abritons encore cèpes, chevreuils, sangliers, myrtilles et nichées d’oiseaux, cette Huppe fasciée, l’as-tu vue s’enfuir de sous mes ramées, et cette Buse à l’envol, et ce Pivert sur mon tronc massif, entends.

A mes pieds, après les pluies d’automne, mon tapis de feuilles est propice à toutes les surprises et senteurs, l’hiver passe, Mars s’ensoleille, les jeunes et les vieux se rencontrent toujours sous mes bois grinçant dans le vent, après l’hiver adviendront de nouveau les fleurs, toutes les splendeurs.

Il ne se levait jamais ni ne se mouvait avant d’avoir réceptionné un signe ou d’y avoir renoncé, dans ce cas, il restait de ce côté-ci, il les attendait, sans précipitation ni impatience, chaque matin tôt levé, tel un pêcheur attendant que le bouchon sonde, le châtaigner parlait ?

Il s’éveillait au jour arrivé, espérait les signes, les voyait se déposer furtivement non loin de lui, il faisait grand cas de ses rêves également, dés qu’il avait l’occasion de s’en souvenir, c’était comme un exercice de respiration intellectuelle, pressant, une exigence vitale.

Mais tandis que le souvenir des rêves s’évanouissait avec la fin de la nuit, l'intrusion surprenante des signes modulait l’arrivée du jour, il les commentait sans passion, pensant y trouver quelque indication pour améliorer le déroulement de la journée venante, une quête de certitude.

La suite sur http://www.mouvementautonome.com
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